Eleanor Coppola, moins connue pour son unique métrage de fiction que pour ses épousailles avec ce cher Francis, s’essaie de nouveau à la caméra avec Love Is Love Is Love, présenté au festival de Deauville. À 84 ans, celle qui avait immortalisé l’enfer Apocalypse Now avec son excellent documentaire Au Coeur Des Ténèbres entend nous offrir une anthologie composée de trois courts-métrages, garante de trois visions de l’amour. Une heure trente plus tard, on se demande encore ce qu’elle avait envie de raconter.
À vrai dire, on se demande comment un tel métrage, même si l’on a conscience qu’il n’a pas dû coûter bien cher, a pu être produit – à moins que les deniers ne viennent directement de Mamie Coppola, ce qui n’est pas à exclure -. Un scénario anecdotique qui ne convainc pas dans ses trois incarnations, ou qui provoque à la limite de discrets sourires lors des deux premières parties. Jouant d’espiègleries, on découvre les déboires de deux couples, l’un étant constamment séparé, et vivant sa relation par écrans interposés, l’autre tentant de relancer la flamme amoureuse par compromis. Si les postulats tentent d’amener des situations potaches, rien ne fonctionne, et on se retrouve rapidement miné·e par des dialogues sans saveurs et des histoires tellement ressassées que l’originalité n’est pas compensée par une quelconque astuce de mise en scène. La caméra est plate, sans mouvement, et enchaîne des plans vides de toute composition, empêchant les éventuels gags de faire mouche, ou les fameuses espiègleries d’exister.

Mais c’était sans compter sur cette troisième partie où la débandade devient infernale, et surtout interminable. Après deux volets relativement courts, ce troisième et dernier arc atteint presque l’heure. Une heure se déroulant autour d’une veillée funéraire, où des femmes se retrouvent pour discuter de la défunte chère à leur cœur. Aux côtés de la fille de cette dernière, elles se remémorent des souvenirs communs, dévoilent des anecdotes inédites, s’interrogeant sur ce qu’elles peuvent dire pour ne pas froisser la progéniture de leur amie décédée. On suit l’intégralité du repas, et les discussions qui vont avec. Des discussions sans aucun intérêt, à coup de “tu te rappelles quand on allait en boîte ? Oh la la on était des fifolles“, qui ne cessent jamais, et un enchaînement de séquences improbables, entre monologues, cadeaux, et même une chanson – contenant un montage digne du plus beau générique des Feux De L’amour, rappelons que des lois sont en vigueur pour éviter cela -. Un moment insoutenable, où jamais rien ne relève l’ennui, la souffrance.
Cependant, on s’interroge. Quiconque a déjà fait un repas de famille avec des membres n’ayant rien à se dire, ou une veillée funèbre avec des gens qui ne se connaissent pas s’accorde sur un point : qu’est-ce qu’on se fait chier. Obligé·e de payer nos respects à des gens qui foncièrement nous emmerdent, de rester assis·e à écouter des rengaines inintéressantes et qui ne passionnent même pas celleux qui les profèrent. Ouais, c’est pas l’éclate. Et peut-être – entendons-nous bien sur le “peut-être” – qu’Eleanor Coppola l’a parfaitement compris. À ce moment, l’écriture retranscrivant parfaitement ce moment de gêne relèverait du génie, et Love Is Love Is Love deviendrait le torture-porn ultime, le constat parfait de l’enfer des conventions familiales. Mais au vu de la débauche de bons sentiments, cette hypothèse n’est évidemment qu’un fantasme.
Aucun doute, laisser une caméra à Mamie Eleanor sous couvert de son simple nom n’était pas l’idée du siècle. Une mémé qui nous raconte des histoires inutiles comme elle ferait du tricot, et une interrogation concrète sur sa présence en compétition d’un festival. Fallait oser.
Love Is Love Is Love, d’Eleanor Coppola. Avec Joanne Whalley, Chris Messina, Kathy Baker… 1h31
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