Alors qu’on mettait en avant il y a quelques jours la journée pour la lutte contre les violences faites aux femmes et à l’heure où, en France, 105 femmes sont déjà mortes sous les coups de leur mari, il est plus que nécessaire de se battre pour que les choses bougent. La condition de la femme est d’autant plus précaire dans certains pays dont l’Algérie, une situation que la réalisatrice Rayhana a souhaité mettre en lumière.
Retour dans l’Alger des années 90 avec l’arrivée du Front islamique du salut et son idéologie à l’encontre de l’égalité entre hommes et femmes. Le récit se déploie sur une unité de lieu : un hammam, lieu hautement symbolique réservé exclusivement aux femmes où elles peuvent se dénuder et y retrouver une certaine forme de sécurité et sérénité. C’est dans ce microcosme que se développent plusieurs histoires qui s’entrecroisent avec des personnages certes stéréotypés mais qui permettent de saisir toute la complexité et les contradictions de la société algérienne de l’époque tout en évitant le discours lisse d’une sororité parfaite.

Comme tous les jours, Fatima vient ouvrir les portes du hammam pour les femmes du quartier. Une mixité dans les âges mais aussi dans les convictions qui arrive cependant à cohabiter dans un pays où elles n’ont que très peu de liberté. L’arrivée impromptue de la jeune Meriem, enceinte et fuyant son frère qui veut la retrouver et la punir pour avoir pêché, vient faire tanguer l’équilibre de cette sphère déjà fragile. Les femmes discutent, parle d’amour, de sexualité sans filtre, rigolent et fument mais cette façade se craquèle assez rapidement pour faire retentir les dissonances. L’ancienne belle-fille qui doit faire face à son ancienne belle-mère qui ne supporte pas qu’elle ait pu quitter son fils ou encore l’étudiante attaquée à l’acide par un groupe de jeunes parce qu’elle refusait de porter le voile face à la veuve d’un islamiste extrémiste. Des tensions qui s’accumulent et provoquent des étincelles, exacerbant les préjugés et les idéologies propres à chacune où chaque acte ou parole est sujet à critique (certaines finissant même par critiquer celles qui décident de fumer car “ce sont les putes qui fument”).
Tandis que les femmes se déchirent, une autre menace plane. Celle des hommes, menés par le frère de Meriem, qui souhaitent à tout prix rentrer dans le hammam pour faire sortir cette dernière. De plus en plus nombreux, de plus en plus insistants, le lieu sacré synonyme de sécurité n’est plus jusqu’à en être bafoué dans un dernier acte concis mais âpre, comme une piqure de rappel comme quoi la femme n’est rien sous la coupe d’un homme. Malgré toute cette noirceur dans laquelle baigne le long-métrage, la réalisatrice réussit à insuffler de l’humour avec l’arrivée de cette femme caucasienne à la recherche d’une femme pour son fils, comme une vulgaire touriste qui ferait son marché, qui devient l’objet de toute l’attention et des blagues des autres femmes présentes. Outre l’humour, le film est surtout emprunt d’une poésie qui s’exprime à travers une mise en scène sobre et théâtrale, une image soignée et feutrée réconfortante et surtout un final qui, après la violence qui explose, apaise et redonne presque une lueur d’espoir sans pour autant oublier toutes les femmes victimes de la violence du régime. Des milliers de voiles noirs virevoltant dans les airs, partis mais jamais bien loin pour qu’on se souvienne.
 mon âge je me cache encore pour fumer est un vibrant pamphlet pour la liberté, poétique, politique et nécessaire en plus de nous rappeler tristement que certaines choses n’ont toujours pas bougé.
 mon âge je me cache encore pour fumer de Rayhana. Avec Hiam Abbass, Fadila Belkebla, Nadia Kaci… 1h30
Sortie le 26 avril 2017