Hasard du calendrier, nos salles françaises n’ont pas un mais deux films sur le monde culinaire. D’un côté une comédie française où un artisan boucher tente de sauver le business de son mentor, et un autre qui nous plonge dans l’enfer d’une soirée de service dans un grand restaurant londonien.
Le “Magic Friday” désigne le vendredi avant Noël. La soirée la plus chargée de l’année qui demande énormément de travail, d’implication et d’organisation. Ce soir là, le chef Andy Jones est à la tête de sa brigade dans un restaurant gastronomique de Londres et à quelques minutes du coup de feu les esprits sont déjà échauffés par la situation. Mais les incidents s’accumulent. Reste à savoir si le chef aura les épaules assez solides pour tenir.
Philip Barantini a adapté son court-métrage datant de 2019 où il suit déjà un chef en plein service alors qu’il combat ses démons et tente tant bien que mal de garder la tête hors de l’eau. The Chef n’est que la continuité, y incluant cette fois-ci ce monde qui gravite autour du personnage principal : gérante du restaurant, client·es, commis·es, sous-chef et même rivaux·ales. Tous les ingrédients sont là pour faire de ce “Magic Friday” un film d’horreur.

L’utilisation du plan-séquence prend tout son sens (d’autant plus que c’est un véritable plan-séquence qui a seulement nécessité quelques modifications numériques) puisqu’assez rapidement le réalisateur arrive à nous plonger dans cette ambiance oppressante qui commence dès les premières minutes. On ne nous présente pas le chef mais sa discussion téléphonique : confus, perdu, visiblement au bout du rouleau alors que la soirée n’a pas encore commencé. Un premier coup de pression arrive quand un inspecteur de l’hygiène vient relever les différents manquements faisant passer la note de 5 à 3, provoquant la colère de la gérante que personne ne semble pouvoir blairer dans l’équipe. Bonne ambiance assurée pour la suite.
Alors que le service commence et que la personnalité très éparpillée du chef Andy Jones nous fait rapidement comprendre qu’il a des problèmes bien plus graves, le film nous dévoile toute une palette de personnages plus caractérisés les uns que les autres créant une brigade assez hétéroclite mais complémentaire. On découvre les histoires et les problèmes de chacun·es à travers une simple phrase ou un simple geste. En épurant ainsi son récit, Philip Barantini permet de concentrer son film sur l’intensité que peut ressentir un restaurant lors d’une telle soirée sans oublier tous ses petits couacs inattendu. Qu’un client un peu fortuné se permette de faire des remarques déplacées lorsqu’il tombe sur une serveuse noire ou qu’un groupe d’influenceur·ses demandent des produits qui ne sont pas à la carte et menacent de balancer de mauvais avis sur le net s’iels ne sont pas servi·es, c’est toute une gymnastique diplomatique à avoir pour ne froisser personne. La chute est inévitable, reste à attendre et voir quand cela va arriver, et compatir avec Andy qui tente tant bien que mal de garder sa barque à flot, de faire face à tous les problèmes tout en gardant un respect et un amour envers sa brigade.
The Chef brille par un niveau d’interprétation stratosphérique de Stephen Graham qui nous fait un exercice de marathon impressionnant, mais aussi de la part de tou·tes les autres acteur·ices permettant au film de tenir la route de la première à la dernière seconde. Philip Barantini réalise là une belle prouesse et offre en ce début d’année une première claque plutôt inattendue mais plus que bienvenue.
The Chef de Philip Barantini. Écrit par Philip Barantini et James Cummings. Avec Stephen Graham, Vinette Robinson, Jason Flemyng… 1h34
Sortie le 19 janvier