Alors que le succès critique et public de Julie en 12 chapitres a mis un coup de projecteur sur la Norvège (sans oublier la sortie prochaine de The Innocents), d’autres réalisateur·ices émergent·es semblent réussir à capturer quelque chose de très actuel, un malaise ou un mal-être inhérent à notre génération avec beaucoup de précision et de finesse.
Direction la catégorie Bright Future avec Anders Emblem et son film A human position. C’est dans la petite ville portuaire d’Ålesund qu’Asta et Live résident dans un petit appartement avec leur chat. Asta est journaliste, Live est menuisière spécialisée dans la restauration de chaises. Elles sont belles, semblent heureuses… en apparence. Asta travaille pour le journal local et est polyvalente, couvrant des évènements sportifs, l’inauguration de bateaux de croisières ou des manifestations pour la conservation de l’architecture art nouveau dans la ville. Alors que sa vie se déroule sous ses yeux sans qu’elle n’ait vraiment de sens, une curieuse histoire d’expulsion forcée réveille l’intérêt d’Asta qui part en quête de réponse. A moins que ce ne soit qu’un prétexte pour trouver des réponses sur le sens de sa vie.
A human position est un film surprenant à bien des égards. Tout d’abord par son rythme lent, très lent à l’image de son plan d’introduction, une vue panoramique sur Ålesund, silencieuse et Asta qui apparaît comme noyée par cette ville. Le réalisateur prend le temps de poser sa caméra, souvent à travers des plans fixes et larges, dégageant ainsi une ambiance lourde, froide. Le personnage principal apparaît rapidement perdu, tant dans sa vie que dans ce cadre. Des cadrages toujours éloignés, souvent désaxés comme pour nous perturber un peu plus à chaque fois quant à la nature du mal-être d’Asta. Ce n’est que lorsqu’elle prend connaissance d’une affaire concernant un demandeur d’asile expulsé de force qu’elle semble retrouver un certain intérêt.
Son investigation lui permet parallèlement de se reconnecter avec le monde et surtout avec Live qui partage son quotidien sans vraiment le partager non plus. Jusque là Asta ne s’intéressait pas à son travail de restauration de chaise tout comme aux chansons qu’elle lui compose sur l’ancien orgue que l’ex-propriétaire a laissé dans le grenier. Rien ne semble la toucher, la faire rire ou sourire. D’ailleurs elle vient même à devenir spectatrice de sa propre vie, un aspect énormément travaillé dans la mise-en-scène à travers des sur-cadrages et l’utilisation fréquente des plans de profil, comme si Asta se contentait d’observer ce qui l’entoure sans s’y impliquer. Elle se dévoile autant à elle qu’à nous, certains traumatismes refont surfaces et nous font comprendre à quel point cette jeune femme semble perdue. Une sensation devenue assez universelle depuis maintenant deux ans et le début de la pandémie qui a, en quelques sortes, poussé chacun·e à se renfermer sur soi.
Il y a quelque chose de beau et triste à la fois dans A human position. Ses couleurs ternes et froides viennent contraster avec ces personnages en quête de quelque chose qui semble plus que jamais difficile à trouver et pourtant, une fois au bout du chemin, quelque chose de magique semble se produire. Un regard, un intérêt, une larme, des émotions qui viennent nous bouleverser.
A human position, écrit et réalisé par Anders Emblem. Avec Amalie Ibsen Jensen, Maria Agwumaro, Lars Halvor Andreassen… 1h18