En 2019, nous avions découvert L’extraordinaire voyage de Marona. Un premier film impressionnant de maîtrise et d’émotions qui laissait déjà présager une réalisatrice unique. Cette année, Anca Damian revient avec son second long-métrage, The Island, un gros morceau de cinéma politique qui l’inscrit parmi les meilleures révélations de sa génération.
Robinson est médecin et vit tranquillement sur sa petite île. Sa tranquillité est bouleversée lorsqu’un bateau de migrants arrivent et s’échoue au large, et que des OGN et des gardes côtiers arrivent. Robinson se lie d’amitié avec Friday, seul survivant du bateau qui s’est échoué, avec qui il traverse l’île pour se souvenir de sa vie, ses bons moments, les moins bons et essayer de trouver un sens à cette vie.

Anca Damian continue son exploration de ses thèmes de prédilection : la mort, l’homme et qui il est. Alors que dans L’extraordinaire voyage de Marona le portait de l’homme se faisait à travers le regard d’un chien qui revient sur toute son existence après sa mort, ici il se fait principalement à travers les regards de Robinson et Friday à travers une œuvre éminemment politique. La réalisatrice développe ici encore une palette de couleurs et de techniques qui ferait pâlir plus d’une personne tant tout semble maîtrisé et d’une fluidité impeccable. Ce rêve éveillé qui donne au/à la spectateur·ice de quoi regarder aux quatre coins de l’écran contraste fortement avec le propos. Tout d’un coup, c’est la vision de centaines de corps de migrants flottant sans vie dans l’eau. Une image atroce, qui nous rappelle les pires infos télévisées à ce sujet. Les guerres, la survie mais aussi les espoirs que nourrissent ces gens et comment ils peuvent (et doivent) être acceptés pour que chacun·e puisse s’inspirer de l’autre pour évoluer. Au fur et à mesure que son île est envahie, Robinson cherche des réponses, une sorte de Paradis où il trouvera la paix, commence un voyage onirique fait de drôles de créatures, de couleurs et de sensorialités différentes, comme une expression de la pluralité de ce monde.
Le long-métrage n’est pas seulement poétique visuellement mais l’est également dans sa forme verbale avec un véritable travail sur les dialogues qui se répondent comme des poèmes, rythmés par les rimes et la musique composée par Alexander Balanescu qui forme un écrin assez délicat.
Derrière le message politique et écologique (les dizaines de tonnes de plastiques rejetés en mer qui créent d’immondes créatures qui viennent envahir l’imaginaire de Robinson), c’est peut-être avant tout un message humaniste que la réalisatrice souhaite faire passer. Celui de se reconnecter à qui nous sommes et à celleux qui nous entourent. Anca Damian recrée dans son film comme un espace qu’on peut retrouver grâce à la réalité virtuelle, pour mieux nous rappeler à quel point il est important de s’ancrer dans la réalité.
The Island est un film à la patte unique, au message universel et à la poésie inhérente qui est plus que bienvenue en ces temps compliqués. Une preuve de plus qu’Anca Damian est un jalon important du cinéma d’animation.
The Island d’Anca Damian. Par Anca Damian, Augusto Zanovello. 1h24
[…] L’extraordinaire voyage de Marona qui contait la vie tumultueuse d’un petit chien, The Island se plonge dans un voyage beaucoup plus psychédélique pour se pencher sur l’épineux sujet […]