C’est pendant le tournage de son premier long-métrage Southern Belle que Nicolas Peduzzi a croisé la route de Will et Bloodbath. De ces rencontres naît quelques années plus tard Ghost Song. Une plongée dans le Houston crasseux, véritable machine à broyer les rêves de chacun·es, n’ayant plus que leurs voix pour donner vie à leurs sentiments.
Ghost Song plonge au coeur de Houston, plus précisément dans le quartier de Third Ward devenu au fil du temps le centre de la communauté afro-américaine mais aussi plus généralement de celleux que la société a délaissé et marginalisé. C’est là que vivent, enfin errent serait le verbe plus adéquat, Will et Bloodbath. Deux abîmé·es de la vie que tout sépare et que tout rapproche. La caméra de Nicolas Peduzzi trouve là de magnifiques sujets pour évoquer ces oublié·es, ces fantômes de Houston.

Alors que l’ouragan Harvey menace de frapper d’un moment à l’autre, cela ne semble pas inquiéter plus que ça certain·es habitant·es. Pour certain·es, iels ont déjà tout perdu. Will est le fils d’une famille extrêmement riche mais a été mis à la rue à 19 ans sans rien. Son oncle a repris la fortune de la famille en main alors que le patriarche donne les premiers signes de dégénérescence mentale sans jamais tendre la main à Will qui lui en veut encore énormément. Bloodbath est une rappeuse pleine de vie et d’entrain, cousine de George Floyd, ses textes puissants sur sa condition ou encore le racisme font d’elle une figure importante de Third Ward. Autour d’elleux gravitent d’autres personnages que la vie a abîmé. Chacune des personnes présentes dans ce docu-fiction (la frontière entre les deux est très floue, Peduzzi jouant de sa mise en scène pour créer une sorte de pièce tragique) ne trouve que du réconfort et une porte de sortie dans la musique. C’est peut-être même le personnage principal de ce film tant ses différentes sonorités et styles offrent une image fascinante de Houston et son hétérogénéité. La musique est tout ce qui reste aux fantômes pour exprimer leurs peines, leur colère, leurs désillusions face à une vie jonchée de violences, drogues et décès. La mort du rappeur Kenny Lou qui a voulu se repentir en se lançant dans le rap et en faisant de la prévention auprès des plus jeunes vient nous frapper en pleine face pour nous rappeler que parfois, malgré tous les efforts du monde, le passé est toujours là pour nous rattraper.

Malgré la noirceur dont est teinté le long-métrage, le réalisateur offre un élan de (sur)vie à chaque instant. Même si la ville les piège, ces personnages envahissent constamment le cadre, en prennent possession pour s’exprimer et crier leur colère. Analyse presque poétique de la situation sociale à Houston, il est presque tout aussi étonnant de découvrir à quel point tout est divisé. Bloodbath et Will vivent la même vie et pourtant iels ne se croisent jamais. Iels fréquentent les mêmes carrefours, les mêmes branches d’autoroutes mais la ségrégation est toujours présente que ce soit dans la richesse ou la pauvreté. Le réalisateur joue de sa caméra légère mais toujours au plus proche des gens.
Ghost Song apparaît comme un éloge funèbre teinté de douceur et de poésie permettant à ces fantômes de s’exprimer librement et de peut-être enfin trouver un rayon de soleil et d’espoir dans cette morosité ambiante.
Ghost Song de Nicolas Peduzzi. Écrit par Nicolas Peduzzi en collaboration avec Aude Thuries et Léon Chatiliez. Avec OMB Bloodbath , William Folzenlogen, Nate Nichols… 1h16
Sortie le 27 avril
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