Louis-Julien Petit est un personnage atypique, son cinéma demeure assez singulier par ses récits mêlant humanité et émotion avec finesse. Malheureusement, La Brigade reprend la même recette que le très réussi Les Invisibles en 2019 mais le ressenti s’avère (en partie) différent.
Cathy a quarante ans et doit accepter un poste de cantinière dans un foyer pour jeunes migrants non-accompagnés. Elle rêve d’avoir son propre restaurant avec sa carte et sa cuisine à diriger, ce rêve semble, apriori, loin de sa situation. Et pourtant…
Louis-Julien Petit nous (re)plonge dans un récit humaniste et chaud, plaçant ses personnages et leurs émotions au-dessus de toutes les actions. Il ne place pas un regard moralisateur ni même condescendant sur les jeunes migrants de son histoire, il les intègre au récit assez facilement et donne une voix et une apparence à des communautés inaudibles et invisibles. Discount nous montre, déjà, les conditions de travail impossibles d’un magasin et la déshumanisation des décisions de management. Les Invisibles raconte le quotidien de travailleur·ses sociaux·ales dans un centre d’accueil pour des femmes sans-abris, une manière également de pointer du doigt l’absurdité de l’administratif qui, sous couvert d’un règlement, préfère voir ces femmes dehors la nuit plutôt que dans leur centre d’accueil… de jour.

Invisible est un bon adjectif des personnages du cinéma de Petit, il nous montre des métiers, situations que nous ne voyons pas (ou ne voulons pas voir), celleux qui œuvrent au quotidien pour les autres ou qui souffrent et ne sont rien (les sans-abris dans Les Invisibles ou les sans-papiers dans La Brigade). Le rire est une arme pour les oublié·es, qui n’est là que pour amener de l’humanité dans une réalité lourde et pénible. Une arme utilisée à bon escient dans ses précédents films et qui arrivent ici à toucher le public. Mais un problème d’écriture dirige le propos vers un film de bonne conscience plutôt que vers un film humaniste.
Petit reprend la même trame narrative que pour Les Invisibles : suivre une structure socio-éducative qui aide une minorité en danger. Cependant, changer les sans-abris par des jeunes migrants isolés change totalement le message pour le faire basculer vers l’envie de montrer le personnage principal comme le sauveur en mettant en avant les sacrifices de ce dernier. Le parcours de Cathy devient plus important que le propos social sur les jeunes migrants. Cette dissonance des personnages opposés (dans leurs trajectoires et leurs objectifs), écrite avec une réelle finesse dans ses précédents films, prend ici plus d’importance pour le personnage de Cathy, ce qui est assez regrettable pour un film social.
Pas question de douter des intentions du réalisateur-auteur, il s’agit plus d’une représentation problématique de ses intentions. Il est inconcevable qu’une femme en recherche d’un rêve professionnel puisse être mise sur le même plan et traitée de la même manière que des jeunes qui doivent répondre à des objectifs vitaux (se nourrir, se loger…). La Brigade reste, cependant, un bon moment de rire et d’émotions sur la première partie du film. Louis-Julien Petit reste un auteur social à suivre, qui doit continuer à nous raconter ces histoires d’invisibles en essayant de diversifier un peu sa narration et en évitant d’évangéliser la trajectoire de ses personnages pour ne pas noyer son propos, fort et nécessaire.
La Brigade, de Louis-Julien Petit. Écrit par Louis-Julien Petit et Liza Benguigui. Avec Audrey Lamy, François Cluzet, Chantal Neuwirth… 1h37
Sortie en salles le 23 mars 2022