Après avoir collaboré avec Fatsah Bouyahmed dans La Vache et avec Kad Merad pour Une belle équipe, le réalisateur Mohamed Hamidi réunit ces deux acteurs dans Citoyen d’honneur, un film qui, sous son apparence comique, dévoile un propos politique important.
Samir Amin est un écrivain qui transforme tout ce qu’il touche en or. Ses romans se vendent à des milliers d’exemplaires et il vient de recevoir le Prix Nobel de littérature pour des écrits qui s’inspirent en grande partie de sa jeunesse en Algérie. Vivant désormais à Paris après avoir quitté son pays natal à l’âge de 20 ans, Samir se retrouve dans une impasse lorsque son éditeur lui demande depuis dix mois un extrait de son prochain roman : l’inspiration n’est plus là. Alors qu’il décline depuis plusieurs mois toutes les invitations qui lui sont faites, l’une d’entre elle attire son attention. La petite ville de Sidi Mimoun, où il est né, veut le faire « Citoyen d’honneur » mais pour se faire, il faut que l’écrivain retourne dans son pays. Une aventure et des rencontres qui lui réservent bien des surprises.
Remake du film argentin El ciudadano ilustre de Mariano Cohn et Gastón Duprat, Citoyen d’honneur change quelque peu sa base en proposant quelque chose de beaucoup plus léger avec notamment le personnage de Miloud, voisin de Samir lorsqu’ils étaient enfants. Ce bout-en-train toujours joyeux – et un peu naïf sur les bords – sert de guide à l’écrivain tout en étant pour le/la spectateur·ice la véritable plus-value humoristique. Mohamed Hamidi fait appel à une figure bien connue de la comédie française : Fatsah Bouyahmed. Avec sa gouaille, l’acteur nous offre un spectacle comme il sait si bien le faire entre humour parfois con et sincérité touchante. À ses côtés, Kad Merad incarne cet écrivain en manque d’inspiration qui se veut être l’origine d’une confrontation entre deux cultures : française et algérienne. Un choc culturel mais aussi social dont Samir prend conscience à mesure de son séjour.

Alors que Samir ne s’est plus réellement posé la question de son appartenance, sa rencontre avec une étudiante algérienne militante réveille ses convictions enfouies depuis son départ il y a des années de cela. Retrouvant un second souffle dans cette ville en plein changement, il redécouvre un pays qu’il avait oublié. Le petit écrivain bien ancré dans son milieu bourgeois parisien se réveille pour sortir de sa case et lever le ton face à des politiques plus intéressé·es de redorer leur blason que de promouvoir la culture. La comédie se mue en portrait social avec sa colère qui gronde, son gouvernement sourd et sa jeunesse qui en veut plus. Même s’il a tendance à effleurer son sujet à certains moments – le film tarde à s’intéresser aux problèmes socio-politiques de l’Algérie -, il est bon de voir le réalisateur ne pas s’enfoncer dans l’humour facile pour dénoncer, préférant malmener son personnage dans une dernière partie beaucoup plus sombre, nous rappelant que la liberté d’expression est loin d’être quelque chose d’acquis, encore aujourd’hui.
Désireux de mettre en scène l’espoir malgré le poids des politiques, Mohamed Hamidi déploie une galerie de personnages touchants et enragés pour accompagner Samir et Miloud. Une richesse de la jeunesse prête à tout pour s’exprimer qu’arrive à sublimer le réalisateur avec subtilité et bienveillance. Même si on aurait rêvé d’un film peut-être plus engagé, Citoyen d’honneur n’en reste pas moins une comédie sociale remplie d’espoir qui vaut surtout pour son duo d’acteurs qui porte le film à bout de bras, nous rappelant à tou·tes la fragilité du droit à l’expression qui, dans certains pays, peut s’écrouler à tout moment.
Citoyen d’honneur de Mohamed Hamidi. Ecrit par Gaston Duprat et Mohamed Hamidi. Avec Kad Merad, Fatsah Bouyahmed, Oulaya Amamra… 1h36
Sortie le 14 septembre 2022