Nanouk et Sedna sont les derniers édifices d’une tribu désormais disparus. C’est dans les contrées reculées de la Iakoutie au nord de la Sibérie que le bulgare Milko Lazarov pose sa caméra face à Nanouk et Sedna, un couple de cinquantenaire vivant à l’écart de la civilisation moderne dans leur yourte avec leur chien. D’abord film contemplatif effleurant les contours du documentaire, “Aga” crée la surprise en prenant le virage du drame dans son dernier tiers.
Caméra fixe, on observe longuement Nanouk partir chaque matin creuser la glace pour pêcher du poisson, récupérer de l’eau potable et relever les différents pièges à gibiers qu’il a installé alors que sa femme Sedna s’occupe à tisser des filets de pêche, tanne les peaux des renards des neiges que son mari a attrapé et fabrique des vêtements. Sauf que derrière cette paisible routine, Nanouk perd peu à peu la mémoire tandis que Sedna soigne comme elle peut sa plaie béante noircie sur son flanc. Dans un écrin d’une pureté quasiment irréelle où ciel et terre se confondent dans un blanc immaculé, Milko Lazarov esquisse doucement un drame portant autant sur le réchauffement climatique (la pêche n’est plus si fructueuse qu’avant, le printemps arrive plus tôt que prévu), le déchirement de la sphère familiale et des traditions familiales (Nanouk et Sedna sont en froid avec leur fille Aga qui a décidé de travailler dans l’immense mine de diamants de Mirny) que la disparition d’une civilisation (Nanouk et Sedna sont seuls au monde dans cette étendue glaciale).
Leur seul lien avec le ‘’monde moderne’’ est lors des visites de Chena qui vient leur apporter du bois et du fuel et en profite pour donner des nouvelles de leur fille. On comprend alors que leurs liens ont été rompu lorsque cette dernière a décidé de quitter sa famille et leur mode de vie séculaire pour un travail stable. Filmé comme la dernière famille du monde, “Aga” ne fait jamais volte-face à ses problématiques sous-jacentes mais les aborde à travers une chronique familiale sensible – mais jamais pathos -, contemplative – mais jamais statique – et symbolique – mais jamais exagérée – où deux mondes s’entrechoquent – l’ancien et le nouveau – et où la bataille est malheureusement déjà perdue d’avance.
Aga de Milko Lazarov. Avec Mikhail Aprosimov, Feodosia Ivanova… 1h32
Sortie le 21 novembre