L’annonce d’un film centré sur la vie de Céline Dion, par le biais d’un personnage fictif ayant un nom légèrement décalé du sien (Aline Dieu), joué par Valérie Lemercier qui l’incarne à tout âge, étrange, non ? Ce serait mal connaître la comédienne, qui aime les challenges et se mettre dans la peau de personnages alambiqués. Alors que nous connaissons le caractère comique très prononcé de ses réalisations habituelles, l’angle ici est différent, gardant un ton léger par moment mais abordant une tournure bien plus sérieuse, qui déroute, peut-être un peu trop.
Inutile de pitcher le film, tant ouvrir une page wikipedia sur la célèbre chanteuse canadienne donne toutes les clés de compréhensions et d’attaque du scénario. Pourtant, si l’on ne connaît que peu son histoire, on pourrait penser aux premiers abords à une revisite un peu farfelue. Cette famille nombreuse (14 enfants issu·e·s des épou·se·x Dieu, c’est quelque chose !) dont chaque membre est musicien, formant une chorale un peu foutraque, la tradition catholique qui s’empare de chacun des prénoms, et surtout le visage de Valérie Lemercier incrusté sur le corps d’une gamine de 6 ans, tout laisse à penser à la parodie peu subtile, qui se moque ouvertement des Dion. Mais ce ton, qui fait forcément rire en son début, et qui est soutenu par une écriture qui, si elle n’est pas dans l’outrancier et la blague évidente, est au moins très potache, se disperse à mesure que les éléments s’enclenchent : si Valérie Lemercier garde un ton léger, parfois comique, son film n’est pas une comédie, mais bien un biopic, le récit d’une vie qui passe par toutes les étapes importantes de la chanteuse.

Le choix qui amuse devient un peu dérangeant, cringe, laisse perplexe quant à l’intention, surtout lorsque l’on voit les efforts déployés derrière pour rendre un hommage criant, une lettre d’amour à la cantatrice que Lemercier admire comme jamais. On ne sait plus sur quel pied danser, et si il n’y a pas d’objection à émettre quant au fait que l’actrice ait voulu interpréter elle-même son idole, un choix de différentes comédiennes pour l’incarner lors de son enfance et son adolescence aurait été plus judicieux, lorsque ce qui fait évidemment rire se biaise à mesure que l’on réalise que nous ne sommes pas dans une parodie. Pire encore, l’attente d’une certaine hilarité laisse sur sa faim quand le biopic s’installe, tant ce dernier est sur des rails. Chronologiquement pertinent, il n’y a aucune prise de risque, on avance d’album en album, de tournée en tournée, et les éléments que l’on connaît se mettent en place, n’offrant rien de plus que ce que l’on voit généralement dans la narration de vie d’une rockstar : ses amours impossibles avec son producteur, qu’elle finit par épouser malgré les objections familiales, les problèmes de voix, les doutes, rien n’y échappe, laissant juste une place à l’admirateur·ice de Céline Dion pour réellement apprécier ce qui nous est montré. Le/la spectateur·ice plus “commun·e” n’aura que peu à se mettre sous la dent, le récit suivant une narration ennuyeuse, qui charme par ses chansons et un train de vie qui, forcément, approche une grandiloquence éloignée de notre quotidien, mais qui ne propose pas non plus un récit qui frôle l’inédit, où l’on peut apprendre plus que ce que l’on a déjà vu et lu dans les tabloïds.
Pour les friand·e·s du genre, par contre, il y a de quoi se régaler. Lemercier, dans sa réalisation, tente régulièrement le grandiose, de toujours magnifier son sujet, et son admiration pour la diva se ressent. C’est d’ailleurs pour cela que si elle aime rigoler de certains de ses passages – les moments où l’on se rend compte que pour lancer une carrière à Aline, il faut sérieusement revoir sa dentition -, elle ne se moque jamais, montre cela comme les tracas qui peuvent arriver à tou·te·s, et ne déifie non plus jamais son portrait. Elle nous montre Aline Dieu sous un trait très humain, malgré le fait qu’elle n’ait jamais vécue une existence “normale” – elle confie à un moment qu’entre les tournées, la protection de ses proches et le luxe l’entourant, elle n’a tout simplement jamais mis les pieds en extérieur -. Son interprétation en retrait de ses exubérances habituelles la rend en partie monolithique, mais offre ce caractère mimétique si cher au genre, que l’on retrouve notamment lors de l’interprétation des morceaux, où Lemercier est bluffante.
Film qui s’adresse avant tout aux fans, dont la réalisatrice fait partie, Aline est au final un biopic classique, faisant des choix étranges pour l’incarnation de la figure de la chanteuse, mais qui reste dans des rails apprêtés, plaisants pour qui est dans l’envie de voir ce type de métrage. Pour les autres, le film est malheureusement bien plat malgré sa rigueur et sa volonté d’exactitude légèrement décalée, et le faux ton comique intègre un entre-deux dont le sel ne prend finalement jamais. Un ovni qui intrigue, mais peut méchamment laisser de côté.
Aline, de et avec Valérie Lemercier. Avec aussi Sylvain Marcel, Danielle Fichaud, Roc LaFortune… 2h08
Sortie le 10 novembre 2021