En compétition au Festival International du Film de Berlin, triplement primé au Festival du film de Zurich, présenté dans le cadre de la compétition européenne de l’Arras Film Festival… La Mif a eu le droit à une véritable tournée des festivals nationaux et internationaux.
Doté d’une grande profondeur sociale, le film du réalisateur suisse Frédéric Baillif nous offre à suivre les tribulations secouant le quotidien d’un foyer pour adolescents, au sein duquel des éducateurs tentent de réparer l’irréparable. Comme une famille, les adolescents et les éducateurs vivent sous le même toit et subissent, conjointement, les événements venant mettre à mal leur structure éducative.
Empruntant au concept du puzzle dans la manière dont le récit se construit, la multiplication de divers points de vue est à la fois la force mais également la faiblesse du film. Effectivement, à chaque protagoniste majeur du long-métrage est attribué un « chapitre » s’ouvrant par un carton noir au sein duquel s’inscrit le nom du personnage et se refermant à l’arrivée du carton suivant. Chaque protagoniste se voit ainsi consacrer une vingtaine de minutes du film. Ce choix narratif offre une diversité des regards portés sur les événements, mais embourbe le montage dans un schéma d’allers-retours temporels incessants et brouillons. Malgré cela, les personnages parviennent à gagner en complexité et en profondeur au fur et à mesure du récit. Il s’agit ici de la seule véritable force de ce choix qui permet ainsi de rallonger certaines séquences déjà vues dans des chapitres antérieurs en y rajoutant quelques secondes, en amont ou en aval, qui en changent complètement le sens.

Néanmoins, ce n’est pas par le biais de sa forme que le film de Frédéric Baillif arrive à convaincre, mais bien par ce qu’il offre dans son fond. Empruntant au documentaire, La Mif regroupe un bon nombre d’éléments justifiant de ce rapprochement. Tout d’abord, les acteurs principaux y sont non professionnels. Cela se voit plus ou moins en fonction des séquences et du registre de jeu demandé, mais n’apparait jamais comme problématique, le film jouant constamment de cette frontière entre les genres. De plus, Frédéric Baillif, le réalisateur du film, est un ancien éducateur social. Celui-ci connait ainsi parfaitement son sujet et sait exactement comment il souhaite écrire les séquences avec sa caméra. Celle-ci se balade dans les pièces et couloirs de ce foyer et capte, de temps à autre, de pures images de vie. C’est notamment le cas de cette soirée pyjama coupée court par le retour d’une adolescente qui a fugué. Les images sont souvent chargés, à la fois de sens et d’émotions, et nous délivrent un véritable message sur la condition sociale.
En effet, le coeur du film se situe ici, lorsqu’il dépeint une situation sociale à la fois figurative par la mise en scène et l’interprétation de personnages de fiction caractérisés, mais également universelle, cet établissement et ces adolescents pouvant être n’importe quel établissement ou adolescents en Suisse, en France, ou ailleurs. Plus que de parler d’un foyer et de situations ciblés, Frédéric Baillif montre les limites plus générales d’un système archaïque et rétrograde. C’est véritablement à travers ce qu’il raconte et non pas de la manière dont il le raconte que La Mif impressionne. Toujours juste dans le traitement de ces personnages mais également dans celui de ses propos, le film se révèle être un véritable miroir d’une situation sociale concrète et préoccupante.
La Mif, de Frédéric Bailif. Avec Charlie Areddy, Kassia da Costa… 1h50