Un nouveau nom à retenir : Guillaume Pierret. Habitué aux courts métrages, il signe avec Balle Perdue son premier long. un film qui atteint sa cible, tant malgré un scénario classique il parvient à fournir son lot de scènes nerveuses avec un punch rarement vu dans le cinéma français.
Depuis la dernière décennie, le cinéma français sort de moins en moins timidement des carcans dans lesquels il s’est enfermé. Que ce soit sur l’horreur (Grave, de Julia Ducourneau), ou le film de guerre (Le Chant du Loup, d’Antonin Baudry), notre cinéma national montre ici qu’il a également des talents dans le genre de l’action.

Une intrigue qui tient la route
Balle Perdue suit un parcours classique, celui de Lino (Alban Lenoir), braqueur à la voiture bélier dont le dernier coup s’est mal passé. Ou plutôt, s’est trop bien passé : au lieu de ne défoncer que la devanture de la bijouterie visée, sa Clio sur-boosté s’est encastrée à travers tout le bâtiment pour ressortir de l’autre côté de la rue ! Cette mise en bouche, presque caricaturale, s’apparente à un message du réalisateur adressé au spectateur : ne pas se fier aux apparences. Il faut dire que dès la bande annonce, les commentaires moqueurs furent de sortie quant au manque de moyens du film. Certes, la comparaison avec des grosses licences comme Fast and furious, qui détruit des voitures de luxe, tourne en défaveur du film de Netflix : là où les États-Unis détruisent des Porsche, la France sort les Clio et les Renault 21 turbo ! C’est pourtant dans cette modestie que réside le charme du film.
Modestie d’une intrigue vue et revue : un braqueur mécano dont les talents intéressent la police, des flics ripoux, une ancienne conquête chez qui la flamme existe peut-être encore, et autres grosses ficelles comme autant de panneaux en bord de route. Mais, aussi, une modestie de détail. Un klaxon atypique par ici, une voiture familiale par là, et surtout, une balle perdue. Autant d’éléments de l’intrigue jonchés ça et là, qui permettent au spectateur de prendre part à un jeu de piste, aux multiples conclusions gratifiantes. Cela semble du détail, mais trop souvent dans les films d’actions les réalisateurs prennent leur public pour des ados attardés incapables de comprendre sans dialogue. Ici ils se font assez rares, et laissent leurs personnages se dévoiler par leurs attitudes. À ce jeu-là, Alban Lenoir excelle dans son rôle de héros d’action. Réalisant de nombreuses cascades lui-même, il impulse au film une saveur et une ardeur que l’on trouve dans le cinéma asiatique. Du côté des personnages plus secondaires, tout le monde semble crédible dans son rôle, mentions spéciales pour les policiers incarnés par Ramzy Bedia, Stéfi Celma, et Nicolas Duvauchelle.

Des scènes d’action qui font mouche
On ne juge cependant pas un film d’action uniquement sur son intrigue, mais sur les scènes où elles entrent en collision. Et ici, nous sommes servis. À l’opposé des longueurs récurrentes au cinéma américain (le MCU en tête), Guillaume Pierret saupoudre allègrement son film de scènes marquantes et percutantes. Avec une alternance entre celles en extérieur, façon Fast and Furious, ou celles en intérieur, qui ici ont de gros airs de The Raid ou Jack Reacher, une influence assumée du réalisateur. Ces dernières sont souvent les plus réussies. La caméra prend un malin plaisir à nous montrer des objets ou éléments du décors, pour mieux les employer quelques secondes plus tard. L’action gagne en lisibilité, et malgré de nombreux mouvements ne tombe jamais dans les travers du shaky-cam, popularisé depuis la saga des Jason Bourne. Au contraire, elle se pose souvent pour montrer longuement ses combats et comprendre ce qui se passe. La scène se déroulant dans le commissariat risque d’en marquer plus d’un à ce niveau, véritable condensé d’action dans un décor par définition anxiogène, où le danger est partout. L’autre cœur du film, histoire de bagnole oblige, réside bien sûr dans ses courses-poursuites. Elles sont de sortie, on y prend plaisir à voir les tôles se froisser et les pneus crisser. La réalisation se montre toutefois ici plus faiblarde, accélérant un peu trop artificiellement des scènes qu’on imagine tournées plus lentement. Heureusement, chaque cascade semble réelle et la moindre voiture accidentée accuse les coups, sans usage inapproprié d’effets spéciaux. Dommage qu’un énorme faux-raccord lors de la dernière course-poursuite vienne entacher un excellent parcours, comme un vulgaire nid de poule.
La French Touch version Netflix
Produit par Netflix et disponible uniquement sur la plate-forme, Balle Perdue est une pur production française. Tourné dans l’Hérault (et notamment la ville de Sète), il montre que l’on peut encore tourner en France des films d’action nerveux, sans exploser le budget. Espérons qu’il donne aux producteurs l’envie de plonger à nouveau les mains dans le cambouis, et faire confiance à cette nouvelle génération talentueuse. Pour que cette Balle perdue ne soit pas une occasion manquée.
Balle perdue, de Guillaume Pierret. Avec Alban Lenoir, Stéfi Celma, Ramzy Bédia… 1h33
Disponible depuis le 19 juin 2020 sur Netflix