L’émergence de nouveaux talents, c’est la découverte avec cinéastes qui repoussent des limites, proposent de nouvelles histoires et de nouveaux points de vue avec une fraîcheur et une hargne belle à voir, que la justesse soit au rendez-vous ou pas. Avec Rodeo, présenté à Cannes, Lola Quivoron décide de nous faire vrombir.
Julia vit de petites combines malhonnêtes dont la plus courante est celle de se faire passer pour une acheteuse de moto et de trouver un subterfuge afin de voler la bécane. En querelle constante avec sa mère et son frère qui ne veulent plus la voir chez elleux, elle trouve un nouveau foyer en côtoyant une bande de motards adeptes du cross-bitume. Malheureusement, un triste accident vient bousculer cet équilibre précaire, poussant Julia à prendre tous les risques pour s’affirmer et trouver enfin l’indépendance à laquelle elle aspire.

Dès la montée des marches devant la salle Debussy, une bande de jeunes sur le tapis rouge hurle à pleins poumons que Rodeo est le meilleur film de ce festival. Cette bande de jeunes, ce sont les acteur·ices du film et leur énergie, plus que communicative, inonde la salle de la première à la dernière minute. Julie Ledru explose à l’écran avec un charisme dingue. Une âme perdue mais pleine de ressource et de fougue qui ne demande qu’à s’exprimer, ce qu’elle fait sur le bitume avec maestria et qui lui permet de gagner le respect de la bande de motards, notamment Kais qui développe des sentiments pour elle. Derrière sa carapace de dure à cuire, Julia est en manque de repères, se raccrochant à ce qu’elle peut jusqu’à lier une amitié très profonde avec la femme et le fils du chef de la bande Domingo – incarcéré et qui mène à la baguette sa famille, leur interdisant de sortir -. Le fait que ce soit une première expérience pour cette petite troupe confère au long-métrage une énergie revigorante et une belle naïveté.
Même s’il peut avoir les défauts d’un premier film ayant tendance à s’éparpiller, il faut reconnaître à Lola Quivoron un véritable sens de la mise en scène, dans ses scènes “d’action” où les moteurs vrombissent, les pneus crissent et les cris de joie retentissent, mais aussi dans les moments plus calmes, émouvants, touchant ainsi à l’onirique notamment dans sa conclusion surprenante. Le film est bruyant, bouge beaucoup, la caméra fonce à toute vitesse pour capturer à merveille l’instant présent, le besoin de vivre et de ressentir le danger, permettant au cross-bitume de se faire une autre image que celle qu’on nous montre dans les médias.
Véritable claque de cette sélection Un certain regard (et peut-être aussi du festival pour le moment avec La femme de Tchaïkovski), Rodeo signe l’émergence d’un talent à suivre de très près. Une magnifique ode à la liberté portée par une héroïne qui n’en a que faire des convictions de la société, bien décidée à trouver sa propre voie.
Rodeo réalisé par Lola Quivoron. Écrit par Lola Quivoron et Antonia Buresi. Avec Julie Ledru, Yanis Lafki, Antonia Buresi… 1h45