Si la plupart des adolescent·es connaissent ce moment de bascule vers le monde adulte durant leurs dernières années de lycée, d’autres prennent un peu plus leur temps par peur ou encore par facilité. Il est vrai que ce nouveau chemin peut être effrayant à bien des égards mais parfois il suffit d’une rencontre pour se décider à faire le premier pas. Une danse avec la vie qu’Andrew tente d’apprivoiser dans Cha Cha Real Smooth.
Andrew n’est pas ce qu’on pourrait appeler une tête d’affiche ultra charismatique. C’est presque tout l’inverse tant sa vie semble être vouée à se prendre des râteaux et à se construire l’abri du regard des autres. Gentil, naïf et rempli de bonté, il ne sait pas trop où se diriger du haut de ses 22 ans. Sa petite-amie est partie faire ses études à Barcelone – et accessoirement lui répond de moins en moins au téléphone -, il travaille dans un fast-food où il ne se passe pas grand chose et ne s’entend pas trop avec son beau-père. Comble de l’histoire, il est obligé de dormir sur un matelas au sol posé dans la chambre de son petit frère. Rien de très glorieux même si tout ça ne lui fait pas perdre le sourire. Un sourire qui ne risque pas de partir lorsqu’il fait la rencontre de Domino, mère d’une adolescente autiste, et noue avec elles une amitié sincère.

À seulement 25 ans, Cooper Raiff peut se targuer d’avoir un début de carrière digne des futurs grands du cinéma américain indé. Après un premier film couronné par le Grand Prix au festival South By Southwest en 2020, c’est le prix du public de Sundance qu’il rafle avec Cha Cha Real Smooth. Et ce n’est point étonnant tant le film est calibré pour un festival. Le réalisateur endosse le rôle d’Andrew, ce jeune homme encore enfant qui se trouve une vocation en animateur de bar-mitsva, lui permettant ainsi de se rapprocher de la séduisante Domino, la trentaine, qui tente tant bien que mal de concilier sa vie avec les contraintes imposées par sa fille autiste. De manière assez tranquille – à l’image du personnage principal -, nous sommes plongé·es dans ces différents quotidiens faits de petites joies, de doutes et de peines. Il y aurait presque quelque chose qui s’approche du cinéma de Xavier Dolan dans sa façon de façonner et de célébrer les femmes (notamment les mères de famille), les cris en moins. Raiff utilise un ton assez naturaliste pour dépeindre ses personnages, sans jamais les juger avec une caméra toujours très douce, les suivant au gré de leurs aventures. Même si les femmes ont un rôle prépondérant dans ce long-métrage, il n’en reste pas moins le pilier qui réussit à ne pas étouffer l’espace pour laisser vivre tous les personnages secondaires tout en créant assez d’empathie pour cet adulescent qui veut être aimable avec tout le monde. Il se permet également d’aborder des sujets très sérieux comme les regards portés sur le handicap sans oublier des thématiques toujours universelles comme la fraternité, l’amour mère-fils et même l’amour tout court. Des thématiques du coming of age classique mais qui, finalement, s’adaptent encore à tous les âges.
Là où Cha Cha Real Smooth réussit à nous captiver est aussi là où réside son plus grand défaut : un film calibré pour les festivals. Sans que ce ne soit un défaut condamnant la qualité du long-métrage, on comprend assez rapidement que tout est fait pour que ça plaise au plus grand nombre, quitte à s’installer dans une zone de confort dont il faudrait s’extirper. Il n’empêche que Cooper Raiff, Dakota Johnson et Vanessa Burghardt forment un trio séduisant, drôle et léger, offrant ainsi toute la substance nécessaire au film pour qu’on se laisse prendre au jeu.
Petit film indé par excellence, Cha Cha Real Smooth dégage quelque chose de solaire, réussissant à toucher à quelque chose d’universel en chacun·e d’entre nous entre besoin d’émancipation et recherche d’amour.
Cha Cha Real Smooth écrit et réalisé par Cooper Raiff. Avec Cooper Raiff, Dakota Johnson, Vanessa Burghardt… 1h47
Sortie le 17 juin 2022 sur Apple TV +