S’il y a un bien un film qui est passé totalement inaperçu cette semaine c’est bien Battleship Island. Et pour cause, si vous voulez avoir la chance de le découvrir sur grand écran il n’est disponible que dans une salle, le Publicis sur les Champs à Paris. Une désolation lorsqu’on s’imagine le nombre de personnes qui va passer à côté d’un des films les plus ambitieux de cette année ou comment Ryoo Seung-wan s’est emparé d’un des faits les plus méconnus de la Seconde Guerre mondiale pour en faire un véritable film de guerre à l’ambition folle.
L’Île Hashima : 160 mètres de largeur pour 480 de longueur. Une petite île située sur la côté occidentale du Japon dans le sud et théâtre d’une des plus grandes tragédies oubliées de la Seconde Guerre mondiale : les Japonais y ont fait travailler de force des milliers de Coréens qui pensaient partir pour un véritable travail au Japon. Résultat : les hommes étaient envoyés à la mine dans des conditions aussi rudimentaires que suicidaires et les femmes étaient relayées au statut d’esclave sexuelle.
C’est cette histoire qu’a décidé de raconter Ryoo Seung-wan. Une histoire absolument terrible qu’elle est forcément sujet à en faire un grand film. Un film de guerre, un film épique mais également un film politique. Dans un scénario écrit au millimètre près, c’est un charismatique musicien qui sera à la tête d’une évasion hors norme autant pour sauver sa peau que celle de sa petite fille et des autres prisonniers. Parmi une foule incroyablement dense de personnages, chacun a sa place, son fil conducteur que ce soit un infiltré coréen, un ancien chef de gangster, un étudiant militaire ou encore une prostituée. Sans jamais empiéter sur la trame principal, chacune des personnalités apportent un éclairage différent pour étoffer encore un peu plus une situation qui semble désespérée.
Mais là où le film s’élève c’est dans sa mise en scène absolument époustouflante. Dans des décors 100% naturels (recrées à l’occasion demandant trois mois de mise au point et six mois pour le bâtir) s’étendant sur près de 66 000m². Un parfait terrain de jeu pour un réalisateur qui manie la caméra comme un chef. Même si certains découpages à la hache étaient parfois inutiles et plus bourratifs qu’autre chose, la caméra de Seung-wan virevolte dans cet enfer charbonneux en s’autorisant des plans grand angle à couper le souffler, mettant en scène des milliers de figurants et, paradoxalement, à nous immerger totalement dans son film de la première à la dernière minute. Une oeuvre éblouissante capturant à merveille l’horreur pour nous la rendre aussi brute qu’elle peut-être terrible (l’accident dans la mine, les bombardements, les tortures subies…) jusqu’à un climax d’une demie-heure où les yeux ne savent même plus où regarder tant Seung-wan est généreux dans son propos et à l’image dans des plans vertigineux.
Battleship Island a les ambitions des plus grands films de guerre et peut se tarer de réussir le pari haut la main avec une oeuvre qui a de quoi devenir un classique à la mise en scène brillante et au propos terrassant, réussissant à merveille son rôle d’entertainment tout en gardant une certaine qualité cinématographique et ça putain c’est beau.
Battleship Island de Ryoo Seung-wan. Avec Joong-ki Song… 2h17
Sortie le 14 mars