Fraîchement récompensé au Festival de Locarno par le prix du Jury et à l’Etrange Festival par le pix du Public, Les Bonnes Manières du duo Marco Dutra et Juliana Rojas est un petit ovni dans ce que l’industrie cinématographique peut nous offre en ce moment. En s’attaquant à de véritables problèmes sociétales au Brésil par le biais d’une romance fantastique, le film réussit le joli tour de force d’être multi-genre sans jamais tomber dans l’excès.
Clara est une infirmière solitaire de la banlieue de São Paulo engagée par Ana, une jeune femme aussi riche qu’elle est mystérieuse, pour s’occuper de son enfant qui va naître bientôt. Tandis que les deux jeunes femmes se rapprochent petit à petit, d’étranges crises de somnambulisme viennent trouver Ana. Composé de deux actes – la relation entre Clara et Ana puis la relation entre Clara et le fils d’Ana -, ce film est loin de se contenter d’un seul genre.
Profitant de tous les matériaux et d’une imagination débordante, Les Bonnes Manières est à la fois un film fantastique, un film politique, une romance, un drame et même une comédie musicale. Toujours plus sombre dans son propos – comme l’avait pu être leur précédent long-métrage Hard Labor -, le film ne l’est jamais à l’image. Largement inspiré de l’univers Disney, le film jongle avec des couleurs plus chatoyantes et des décors rappelant les plus grands Disney en utilisant notamment cette technique de “Matte paintings” (des décors peints).
À travers ces petits éléments visuels, les réalisateurs pointent du doigt un problème évident de différences de classes sociales que seul la maternité et la naissance d’un enfant va pouvoir rapprocher. Des écarts de classes sociales mais aussi de rejet dû à une différence (couleur de peau, origine, orientation sexuelle…) que le film ne cesse d’esquisser sous les traits d’un conte de fée, comme pour apaiser la douleur.
Malgré une seconde partie peut-être un poil plus convenue et attendue – traitant plus frontalement de la maternité, l’indépendance etc… -, le film tient ses promesses tant le fantastique imprègne et sert son propos à l’heure où un certain Guillermo Del Toro et son The Shape of Water nous enfante également à travers des contes fantastiques. Et parfois finalement il n’y a rien de mieux qu’un peu d’imaginaire pour nous toucher. Et au final qui est la bête dans l’histoire ? Clara parce qu’elle est noire et qu’elle ne correspond pas à la riche société brésilienne ? Ana car c’est une future maman célibataire reniée par sa famille ? Son fils qui s’avère être un loup-garou ? Ou simplement la société elle-même incapable de les accepter ?
Avec Les Bonnes Manières, Dutra et Rojas nous offre un fabuleux conte visuellement riche et politiquement engagé. Un vrai morceau de cinéma fantastique à souhait, aux propositions osées et absolument généreux du début à la fin.
Les Bonnes Manières de Marco Dutra et Juliana Rojas. Avec Isabél Zuaa… 2h15
Sortie le 21 mars