Tout comme son premier film inédit en France, Outcast, revisitait le thème du loup-garou en le conjuguant avec une critique sociale, Colm McCarthy réinvente cette fois la « Série Z » en racontant The Last Girl du point de vue d’une petite fille infectée. Malgré un budget minime de moins de 5 M$, cette adaptation du roman de Mike Carey s’avère très efficace.
Dans les films de genre d’hier et d’aujourd’hui, « enfance » rime toujours avec « innocence ». On se souvient ainsi des boucles blondes de Dakota Fanning dans La Guerre des Mondes ou encore de la candeur de Henry Thomas et Drew Barrymore qui illuminait E.T. L’exemple le plus récent est certainement celui de Super 8, véritable hommage aux chefs d’œuvre spielbergiens, dont la réussite repose en partie sur l’attachante bande de pré-ados qu’il met en scène. Dans ces films, la naïveté de ces jeunes personnages contraste souvent avec la cruauté du monde extérieur et l’ampleur de la menace. Néanmoins, on se rend vite compte que les enfants en savent plus que les adultes de par leur croyance en l’imaginaire. De plus, le combat contre la monstruosité permet souvent aux parents de renouer avec leurs progénitures, comme si le danger pouvait minimiser, et même apaiser les conflits familiaux.
Cette importance accordée aux jeunes personnages, qui apparaît presque comme un code du cinéma de science-fiction, se ressent dès les premières minutes de The Last Girl. Le film s’ouvre ainsi sur la voix-off d’une enfant (Melanie) comptant jusqu’à quarante, dans un souffle presque saccadé. Cela s’apparente presque à un jeu enfantin, un rituel que la petite reproduira plusieurs fois dans le film. Son visage poupin et sa manie de dire bonjour à chaque adulte qu’elle croise en font dès la séquence d’ouverture un protagoniste très attachant et humain. Humanité renforcée peu après par la relation pure et émouvante qu’elle entretient avec son professeur, Miss Justineau (Gemma Arterton). Néanmoins, Melanie suscite également le mystère : quelle est cette camisole de force qui la protège ? Que fait-elle enfermée dans cette base militaire ? Car l’humanité apparente du personnage n’est hélas qu’apparente.
En effet, l’intérêt de The Last Girl est justement de faire de cette adorable petite fille le véritable monstre du film. Dotée de pouvoirs uniques et infectée par un virus zombie, elle est ainsi à mi-chemin entre innocence et monstruosité. Melanie apparaît même parfois comme bestiale : la scène qui la montre entourée d’autres enfants se déroule ainsi sans dialogue, et les cris gutturaux de l’héroïne donnent l’impression d’un retour à l’animalité, d’une primitivité retrouvée qui n’est pas sans rappeler Sa Majesté des Mouches.
Cette dualité au sein d’un même protagoniste entraîne d’ailleurs des réactions très différentes de la part de son entourage : faut-il la protéger et l’aimer (comme le fait Helen Justineau) ou au contraire l’utiliser comme remède potentiel ? Entre enfant et monstre, entre alliée et menace, le personnage de Melanie apparaît ainsi comme complexe, et même contrasté.
Cette ambigüité se ressent jusque dans la bande originale du film : son thème principal, « Gifted », combine ainsi tonalité enfantine et sonorités angoissantes. Cette fusion totale avec le propos du film témoigne donc d’un excellent travail sonore, d’ailleurs récompensé au Festival de Gérardmer.
Par ailleurs, l’autre belle idée de The Last Girl est d’utiliser l’éducation comme le meilleur, voire le seul remède contre le virus. La lecture de récits mythologiques par Miss Justineau agit donc comme le vecteur de la connaissance, mais aussi de l’humanité. Les scènes d’école apparaissent donc comme un leitmotiv du film, mais aussi comme un rempart contre la menace.
The Last Girl se démarque donc avant tout par sa volonté de renouveler le genre. On note également l’aisance avec laquelle Colm McCarthy détourne le manque de budget du film : à défaut de pouvoir tourner des séquences en plans d’ensemble, le réalisateur se focalise ainsi davantage sur les sensations des personnages : dans certaines scènes, les particules fines de l’air sont clairement visibles à travers une photographie presque à fleur de peau. Ce détournement habile, ainsi que ce personnage intéressant qu’est Melanie, compensent une deuxième partie plus conventionnelle (la traque des zombies, les scènes de patrouilles dans un territoire décimé, les cadrages frontaux sur les « Affams »). Bref, méfiez-vous de vos enfants.