Le film commence de manière classique, un contrôle de routine qui nous devient beaucoup trop familier tant nous avons déjà malheureusement quelques certitudes concernant son issue. Lincoln Jefferson et son fils rentrent chez eux lorsque deux policiers les arrêtent pour un simple contrôle d’assurance. Une assurance expirée, un fils qui sort son téléphone pour filmer l’absurdité de la scène et un contrôle de routine qui vire au drame. Un an plus tard, l’officier qui a abattu le fils de Jefferson est acquitté et peut immédiatement reprendre ses fonctions. Entre temps, de jeunes étudiants en cinéma viennent à la rencontre de ce père de famille en deuil pour lui proposer de faire un documentaire sur son histoire. Un documentaire vu d’abord par son école et peut-être plus tard dans des Festivals aux yeux du monde entier. Ça, Lincoln l’a bien compris et va en faire une arme pour rendre justice lui-même. Et là où l’on pensait que le film serait un simple revenge movie, le réalisateur Nate Parker (The Birth of a Nation) décide d’aborder son film et son sujet à travers le prisme du documentaire. Le documentaire comme transmission, comme message universel à travers une jeunesse qui a le pouvoir de faire basculer les choses et notamment ce jeune étudiant Jayden, jeune afro-américain également témoin de cette violence faite envers sa communauté.
Là où The Birth of a Nation était beaucoup plus dans la démonstration de la violence, American Skin semble être un film beaucoup plus posé et mature pour Nate Parker qui appelle à l’intelligence des mots et des discours. Un film qui atteint son point culminant lorsque les deux partis s’affrontent dans un second “procès”. D’un côté l’officier Mike Randall et ses collègues policiers et de l’autre Lincoln Jefferson ainsi que des détenus tous afro-américains ou latinos. Des propos échangés qui en disent long sur notre société, bien plus que n’importe quel acte de violence. Chacun a développé un instinct de survie qui peut s’avérer meurtrier entre des communautés mineures oppressées qui ne savent répondre que par la violence car c’est leur seul recours pour se faire entendre et des forces policières quasiment conditionnées et qui ne cessent de répéter “C’est ce qu’on nous apprend”, “C’est le protocole” et qui pointent du doigt l’absurdité de certaines procédures. Un conditionnement mettant en exergue les problèmes que rencontrent les minorités qui sont de suite jugées suspectes juste par leur couleur de peau ainsi que l’hypocrisie générale qui y règne notamment lorsque le seul officier noir est envoyé dans la famille pour leur demander de calmer les ardeurs des manifestants.
Un véritable cri de détresse mais aussi d’espoir dans un pays – mais également un monde – où les lois sont écrites pour les Blancs et où la jeunesse essaie de se défaire de cette emprise pour élever la voix que ce soit le fils de Lincoln ou encore Jayden même si le final vient contrebalancer le reste et nous mettre face à cette réalité toujours aussi injuste et dure. Des injustices que la société est loin de vouloir réellement réparer et qui seront aussi vite oubliées que cette journaliste télé qui passe de cette info à la page des sports en un claquement de doigts.
Avec un casting absolument impérial (Nate Parker, Beau Knapp et Allius Barnes en tête), American Skin est une formidable claque d’une intelligence rare, le pouvoir des mots, un discours poignant qui a le mérite de nous faire réfléchir.
American Skin de Nate Parker. Avec Nate Parker, Omari Hardwick, Theo Rossi… 1h29
Sortie prochaine