[CRITIQUE] Désigné Coupable

[CRITIQUE] Désigné Coupable : Déshumanisation dans la paranoïa

Dans la jeune histoire des États-Unis, les attentats du 11 septembre 2001 restent un traumatisme béant, une plaie ouverte qui ne semble jamais se panser au vu de l’inquiétude encore forte qui retombe de ces événements 20 ans après. C’est d’ailleurs le sujet du long-métrage de Kevin Macdonald, semblant être passé sous les radars du grand public alors même qu’il s’y trouve une charge historique pourtant prégnante, surtout au vu de la montée de populisme qui grimpe depuis des années.

D’un point de vue formel, Kevin Macdonald fait craindre aux premiers abords un classicisme figé qui aurait nui à son propos. Pourtant, force est d’admettre que la mise en scène esquive ces attentes par le biais d’idées esthétiques qui soutiennent le propos amer. L’enfermement du personnage principal passe par un changement de format une fois ses souvenirs mis en action, soulignant cet enfermement obligatoire et la compression de cette violence engendrée contre lui. Le réalisateur parvient à mettre en image des tortures en esquivant la complaisance tout en obligeant son audience à faire face aux actions subies par Mohamedou Ould Slahi.

En ce sens, la prestation de Tahar Rahim est aussi exemplaire que la tonalité générale du long-métrage. Il suffit d’un simple regard pour appréhender toute la peur de ce qu’il a pu subir. Si le reste du casting est au même niveau, c’est bien lui qui émeut et apporte de la chair à ce qui aurait pu n’être qu’une mise en avant distanciée de critique politique. C’est par son biais que se développe une forme d’émotion, installant l’acteur comme le cœur battant du long-métrage.

Le scénario s’avère classique pour une reconstitution de réalité mais cela ne fait qu’appuyer la volonté de mettre en avant la politique encore marquée du pays (cf une conclusion plutôt amère). L’envie de se montrer respectueux se ressent et fait que le long-métrage cherche à se dégager une personnalité hors des attentes de ce genre tout en évitant une facilité contreproductive à ce niveau. Quelques points ironiques ne font que renforcer ce regard qui s’interroge perpétuellement sur ce qu’il faut montrer ou non, un peu comme Mohamedou quand il doit témoigner de ce qu’il a subi durant son enfermement.

Dès lors, la sortie en édition physique de ce Désigné coupable devrait remettre en avant un long-métrage bien moins classique qu’il n’y parait et parvenant à évoquer vivacité et douleur avec une subtilité qui mériterait plus de louanges. Aussi bien pamphlet contre l’instrumentalisation de la terreur que drame amer sur une injustice abominable, le film de Kevin Macdonald invoque du grand cinéma américain réaliste pour mieux souligner les failles qui s’y dessinent encore aujourd’hui. C’est une agréable surprise qui ne mérite guère l’injuste ignorance qui l’entoure par toutes ses petites réussites se cumulant dans une œuvre admirable en plusieurs points.

Désigné coupable de Kevin Macdonald avec Tahar Rahim, Jodie Foster, Shailene Woodley…2h10

Sorti le 14 juillet 2021

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