Sophie Letourneur revient en fanfare six ans après la sortie de Gaby Baby Doll avec un film à l’affiche et à la bande annonce proches de la comédie populaire peu enlevée. À la lecture du pitch, cela devient même perturbant…
Claire (Marina Foïs) est une pianiste soliste de renommée internationale. Fred (Jonathan Cohen), son agent de mari, voit soudainement se réveiller en lui un insolent désir de paternité : il décide alors d’échanger la pilule de sa femme contre des sucrettes. Et ce qui doit arriver arrive… Claire tombe enceinte et se transforme en grosse baleine. La dernière phrase vous dérange, peut-être ? Rassurez-vous, nous aussi, on a un peu tiqué avant la séance !
Amour, gloire et bébé
En regardant la première partie, on peut rire de bon cœur (et même pouffer !), tant la caricature de ce couple est totalement… énorme ! Le bagou de Fred fonctionne parfaitement et l’on se demande bien comment cette drôle d’affaire va se tramer… Claire, presque mutique, ne se doute de rien et enchaîne les concerts sous l’œil possessif de son mari ; Fred occupe ainsi tout l’espace et assume son rôle de control freak, sans trop accuser le coup le jour de ses quarante ans que Claire a oublié, ce jour qui va faire germer en lui l’idée diabolique suggérée par sa maman chérie…
Fantaisie impromptu(e)
La grossesse de Claire est bien entamée lorsque nous retrouvons le couple. Fred est aussi rond que sa femme, encaissant tant bien que mal cet « accident » plus vraiment réparable. Si le titre, grinçant, pouvait nous suggérer des blagues très peu senties sur le gros ventre de la femme enceinte, on le comprend en réalité à posteriori. Événement quasi-surnaturel oblige, le titre signe peut-être le glissement de cette comédie vers un scénario plus troublé où Claire prend enfin la parole et se retrouve plongée au cœur d’une maternité médicalisée.
Persuadée d’être au terme de sa grossesse, Claire, en compagnie d’un Fred préparé à l’accouchement, se rend à l’hôpital pour sa « libération » ; mais désespérée, elle comprend la folle manipulation de son mari et voit son ventre du neuvième mois tripler de volume en quelques secondes…

Donner et partir
Énorme ? Oui, son ventre l’est, mais les rires deviennent moins fréquents. Fred, largué par sa femme, prend à peine conscience de la gravité de son geste… Le retour à la réalité est brutal, une réalité quasi-documentaire insufflant un silence pesant dans la salle. À tour de rôle ou plutôt à tour de gardes, l’on assiste impuissants aux souffrances de la pianiste. Le jeu de Marina Foïs impressionne autant que celui de ces femmes qui ont accepté de jouer leur propre rôle : aider à mettre au monde, tout simplement.
Énorme est peut-être aussi gênant que drôle. Les scénettes cocasses du début laissant subitement place au décor froid de la maternité et au questionnement désarmant sur la manipulation maritale. Claire accouchée, le son du piano retentit mais nous restons interloqués : était-ce un drame ou une plaisanterie ?
Énorme de Sophie Letourneur. Avec Marina Foïs & Jonathan Cohen. Sortie le 2 septembre.
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