La licence Fast and Furious fait partie de ces sagas sorties complètement de nulle part par la manière dont celle-ci commençait dans le pur film de mécaniques et courses de rue avant de devenir ce morceau d’action populaire qui connaît autant de fans que de détracteur·ices. Difficile de rester de marbre face aux aventures de la Famille de Dominic Toretto, au point que même les non initié·es connaissent ses tics visuels et narratifs. À l’orée d’un neuvième opus et de promesses concernant d’ultimes volets, que peut-on rajouter sur ce nouvel épisode d’un univers cinématographique sentant presque autant le kérosène que l’explosion ?
Il est facile, après avoir vu le film, de comprendre les mécaniques plaisant aux fans. On sent la volonté d’une surenchère d’action avec une certaine lisibilité ainsi qu’un ancrage physique passant aussi bien par des cascades opérées essentiellement en live que par une écriture de personnages se voulant dramatiquement chargée. Ici, on perpétue l’aspect « familial » par la confrontation de Dom à son frère, incarné par un John Cena tout en mâchoire. L’optique est intéressante et approche quasiment de l’absurde de série TV par cet aspect double maléfique. On serait même tenté·e de parler de post modernisme par la façon dont un protagoniste souligne le loufoque d’avoir traversé les épreuves de toute la saga sans une égratignure mais ce serait ignorer la façon dont le script tourne cela en running gag. Néanmoins, il est impossible de ne pas imaginer un Vin Diesel appliqué qui cherche à faire de l’émotionnel par le biais de ces films.

C’est là que le bât blesse essentiellement : ce point de vue tonal déchiré entre deux optiques qui s’annulent l’une l’autre. D’un côté, le sérieux quasiment pontifical de ces moments d’émotions n’arrive pas à assez approfondir les personnages pour que l’on puisse s’y attacher au-delà de l’archétype, surtout au vu de l’aspect cartoon des séquences d’action proposées. De l’autre, l’approche blockbusteresque digne du dessin animé du samedi matin ou d’une adaptation non avouée d’Action Man ou GI Joe fait que l’on ne parvient pas à croire plus cet aplomb d’écriture de protagoniste, le tout avec une subtilité qui fait largement défaut. Mais, quitte à jouer l’avocat du diable, est-ce vraiment ce que l’on peut attendre d’un Fast And Furious ? Sans doute pas mais il n’empêche que le ressenti lors du visionnage en est fortement impacté tout en diminuant le plaisir de la découverte.
Il faut admettre que l’on comprend plutôt facilement ce qui pousse certaines personnes à s’accrocher à ces films au point que leur popularité ne va que de manière croissante. On sent par moments cette volonté de rendre les scènes mécaniques le plus physique possible, bien que certaines séquences se trouvent amoindries par l’usage de numérique. Un plan de quatre secondes où une voiture traverse des murs suite à l’allumage d’un aimant géant (oui, c’est un vrai morceau du scénario) s’est développée en live par le biais d’ouvrier·es en effets spéciaux et cascadeur·ses qui doivent s’amuser comme des petit·es fous/folles à œuvrer sur ce genre de longs-métrages. L’aspect quasi nanardesque n’annule en rien la lisibilité de certaines séquences de combats ou de poursuites, plutôt généreuses en la matière à un point où la suspension de crédulité atteint ses extrêmes. Les films cherchent à faire plaisir aux fans, quitte à devoir faire revenir un protagoniste d’entre les morts ou bien rappeler Paul Walker avec une maladresse plus ou moins variable, pour rester gentil.

Ce neuvième Fast and Furious devrait donc faire plaisir aux aficionados de la première heure, virant dans l’action jusqu’à l’absurde et tentant de développer au maximum ses différents aspects, expliquant la durée conséquente de 2h30. Si l’on peut se sentir au bord de la route par la nature inégale du titre et de sa volonté de faire de tout avec la pédale à fond, on peut reconnaître que la mécanique est assez bien huilée pour se laisser tenter avec curiosité une fois et comprendre le rattachement des fans à cette Famille archétypale, trop sérieuse et cartoon pour son propre bien, mais cherchant à atteindre avec une certaine naïveté une générosité d’ensemble mal proportionnée.
Fast and Furious 9 de Justin Lin. Avec Vin Diesel, John Cena, Charlize Theron,… Sorti le 14 juillet 2021 (2h22 version cinéma, 2h29 extended cut)