Il y a quelque chose de triste et d’heureux à la fois quand on assiste à un festival en cette année. Difficile en effet de ne pas être animé par la peine de voir les changements effectués pour raisons sanitaires, telles les projections de presse en ligne, mais nous nous concentrerons sur la joie de voir les membres du Festival International du Film Francophone de Namur se donner à fond pour que cette 35ème édition ait lieu, surtout avec un cru d’une telle qualité.
Nous ne reviendrons pas sur Adieu Les Cons, Josep que nous avons déjà chroniqué dans nos pages, ni sur Petit Vampire : trois films que que vous aurez pu voir en salles pour constater à quel point ils sont très très très très très très très très très très biens. Entamons ce retour par l’ouverture avec Une Vie Démente, confrontant un couple rêvant d’enfant à une mère souffrant d’une maladie neurodégénérative. Si le film est décrit par beaucoup comme une comédie, nous en retenons sa partie la plus tragique, questionnant le rapport à avoir avec un proche dans une situation de douleur assez palpable. Toute personne confrontée à ce genre d’histoire par le biais d’un de ses proches devrait avoir mal au cœur par la justesse du film, dont les quelques idées visuelles (les personnages « avalés » par les couleurs de murs d’institutions diverses) n’oublient jamais un regard assez cru qui frappe doucement mais sûrement.
Cette intimité du regard a d’ailleurs été une récurrente dans la sélection vue, à l’image de Naître D’une Autre, revenant sur la naissance par GPA avec une empathie qui rend la modestie du film plus marquante. On retrouve cela dans les différents documentaires présentés comme Ma Voix T’accompagnera (suivant l’utilisation de l’hypnose dans le milieu hospitalier), Heidi En Chine (le voyage d’une femme à la recherche de son passé, rapprochant son abandon familial à l’histoire de la Chine) ou le gagnant du Bayard d’or, Petit Samedi, dont l’absence de jugement voyeuriste permet de souligner le drame de cet homme confronté à ses addictions.

La variété des productions francophones présentées durant le festival fait d’ailleurs toujours autant plaisir, surtout au vu des remarques permanentes adressées envers des créations cinématographiques considérées comme trop ressemblantes. Comment ne peut-on pas louer la triste acidité de La Déesse Des Mouches À Feu, rappelant Thirteen dans son regard dur mais franc sur l’adolescence et bien porté par la prestation de Kelly Dépeault ? Peut-on vraiment dire d’un Slalom qu’il ressemble à n’importe quel drame français alors que sa brutalité frappe, notamment bien aidé par son duo d’acteurs principaux, et qu’il est dur de ne pas happer par son histoire de relation toxique et de violences sexuelles dans le domaine sportif ? Est-ce que la tension permanente de La Troisième Guerre, où la crainte d’une attaque qui ne peut être qu’imminente jumelée à une destruction virile de l’individualité dans l’armée ne peut conduire qu’à une catastrophe prévisible, ne mérite pas d’être soulignée alors que le film de Giovanni Aloi sait où toucher ? Ce serait uniformiser des œuvres pourtant à voir justement par leur nature unique et manquer de soutien à des titres qui en valent la peine sous prétexte de clichés facilement démontables.

On reviendra plus en détail prochainement sur ces coups de cœur par le biais d’interviews avec leurs réalisateurs (et un acteur concernant l’un de ces films) mais il est impossible de ne pas parler de coups de cœur avec La Nuit Des Rois, 1982 et Yummy. Commençons par ce dernier, film de zombies flamand typique de l’œuvre faite pour les festivals : du gore, de la nudité gratuite et des rires devant un film qui profite de la qualité d’effets spéciaux solides malgré des moyens limités et une gestion de l’espace rendant l’attaque d’infectés plus que divertissante. Concernant La Nuit Des Rois, on pense à The Fall dans la façon de réfléchir sur le médium narratif dans un milieu ritualisé proche du conte médiéval tragique. Philippe Lacote marque et transforme sa prison en véritable royaume où chaque pensionnaire se révèle d’un charisme incandescent. Quant à 1982, il permet à Oualid Mouaness de revenir sur un moment important de l’histoire du Liban en le traitant par le regard d’un enfant amoureux, transformant la douceur du film plus amère encore au vu du drame à venir.
Dès lors, malgré les circonstances de présentation difficiles suite à l’actualité, on peut résumer cette 35ème édition par son film de clôture : Un Triomphe, le très bon film d’Emmanuel Courcol sur lequel on reviendra lors de sa sortie future prochaine (à moins qu’un report ne l’affecte aussi). Il était dur de maintenir un tel événement avec une crainte permanente, et voir une aussi belle sélection être mise en avant relève alors de la victoire culturelle. Si ce trente-cinquième anniversaire aura été pluvieux en fond, on aura quand même eu l’occasion de célébrer de très bons longs-métrages et ça, c’est un rayon de soleil dont on ne se lassera jamais…
Article proposé par Liam Debruel pour On Se Fait Un Ciné. Un grand merci à lui et à toute l’équipe du FIFF qui a permis cette édition possible !