Avant d’aller violenter un public encore plus large avec son 12 Years A Slave détonant, Steve McQueen faisait déjà bien des siennes dans son île britannique. Le dénonciateur livre d’ailleurs, avec son premier métrage, une oeuvre d’un engagement puissant.
Dans Hunger, le sublime se mêle souvent au dégoût. La carte du réalisme est jouée à tel point que chaque scène est d’une profonde violence. On suit le quotidien d’incarcérés, de prisonniers politiques dont les actions pour faire reconnaître leur statut commence à atteindre une série d’extrêmes (grève de l’hygiène). Parmi eux Bobby Sands, qui pour viser le coup médiatique, décide d’entamer une grève de la faim. Steve McQueen se pose en observateur de ses agissements, dans un ensemble accentuant la solitude de ses personnages. Les plans sont fixes, longs, nous témoignent d’une détresse humaine intense. On assiste, et on s’horrifie.

Un couloir, une armée de policiers armés de matraques et de boucliers anti-émeutes, les détenus balancés nus, se faisant tabasser sans pouvoir se défendre. Telle est la réalité de ces prisonniers de l’IRA qui ont subi les pires tortures, et ce après leur enfermement, sous couvert d’un contexte politique instable. Les droits de l’homme sont bafoués, les matons à bout – on en voit un pleurer et refuser d’assister à la boucherie -. À son image, nous détournons le regard à de multiples reprises.
Pour autant, Steve McQueen ne se contente pas d’une démonstration, mais d’un véritable travail de l’esprit. Dans son monologue finissant d’acter sa position qui lui coûte la vie, Bobby Sands tente de garder la raison, malgré la faim qui le tiraille, malgré la conscience que son combat risque de ne pas être entendu. À ce titre, Michael Fassbender est un choix judicieux, qui tant par son physique que sa diction campe une souffrance sans pareille. La forme fascine, prend aux tripes, le fond bouscule, émeut. Un début de carrière fantastique pour un réalisateur qui ne cesse de se renouveler.
Hunger, de Steve McQueen. Avec Michael Fassbender, Stuart Graham…. 1h36.
Sortie le 26 novembre 2008
Texte datant de 2013, remanié pour être publié dans nos pages.