On se souvient tous de l’énorme claque provoquée par Les Misérables de Ladj Ly. Le miroir d’une réalité : celle des violences policières dans les banlieues avec les réflexions qui les accompagnent. Un sujet toujours autant d’actualité dans bon nombres de pays, y compris au Danemark.
La nouvelle vient de tomber : le jeune Talib Ben Hassi, 19 ans, n’a pas survécu à ses blessures suite à une arrestation musclée. Dans la même journée, deux policiers s’aventurent dans le quartier de Svalegården sans savoir que les jeunes présents leurs tendent un piège. Sans voiture et sans défense, ils vont devoir survivre à une journée et une nuit en enfer accompagnés d’un jeune qu’ils avaient arrêté un peu plus tôt dans la journée. Un long parcours jonché d’ennemis et de réflexions quant à cette violence inhérente dans les cités plus sensibles.
La coïncidence est aussi grande que troublante : un jeune homme hurle “I can’t breathe” alors que des policiers s’acharnent à l’écraser de tout leur poids. La nouvelle fait vite le tour du commissariat et des médias qui s’emparent de cette affaire. Le message est passé, mieux vaut faire profil bas. Dans tout ce foutoir, deux policiers sont affublés ensemble pour la journée : Andersen, un vieux de la vieille qui ne croit qu’en la violence et qui n’a aucune considération pour ces jeunes de banlieue et de l’autre Høyer, beaucoup plus droit dans ses bottes et ouvert d’esprit. Après une fouille au corps un peu trop intrusive, le véhicule de police est la cible d’une attaque savamment orchestrée. Il n’en fallait pas plus à l’agent Andersen pour se lancer à la poursuite d’un des assaillants avant de l’arrêter. En route vers le commissariat, ils se font caillasser et sont obligés de quitter leur voiture. Les voilà désormais seuls à la merci d’une cité entière qui veut leur mort.
Qu’est-ce qui pousse des populations entières à s’en prendre aux forces de police ? Au même titre, qu’est-ce qui pousse ces personnes censées nous défendre à commettre parfois l’irréparable ? Là est toute la question de Shorta. On retrouve énormément de similarités avec Les Misérables même ici le parti pris est de plonger nos deux protagonistes dans ce qui ressemble à une arène de jeu. Les ennemis sont dehors, tapis dans l’ombre. Ce sont deux visions qui s’opposent, entre un policier raciste prêt à humilier un jeune, et un policier qui ne vit que pour servir la population et la protéger. Les rapports de force s’inversent alors qu’Andersen se retrouve seul face à lui-même et est obligé de compter sur ces fameuses personnes qu’il ne porte pas dans son cœur pour s’en sortir. Un changement s’opère, celui d’un homme qui face à la mort se rend compte de ses erreurs et de ses aprioris qui l’ont poussé dans cette situation. Ce n’est pas toujours fait avec subtilité mais ça a le mérite de rendre humain à peu près tout le monde même si on ne porte pas cet Andersen dans notre cœur. Même retournement de situation pour Høyer qui va se retrouver dans une situation inextricable à son tour. Les concepts de méchants et de gentils disparaissent assez rapidement sans pour autant excuser tel ou tel comportement.
Shorta n’est ni plus ni moins que le constat amer d’une société qui n’est plus en phase avec ses forces de l’ordre alors que ces dernières enchaînent bavure sur bavure et que la confiance est rompue. Aucun manichéisme mais une tentative de trouver une solution qui ne se trouve pas forcément dans la violence. Une violence présente à outrance mais seulement pour mieux souligner le malaise.
Shorta de Anders Ølholm et Frederik Louis Hviid. Avec Jacob Hauberg Lohmann, Simon Sears, Tarek Zayat… 1h48