Alors que le film de Laura Wandel Un monde profite d’une bonne critique – en plus d’être dans la shortlist pour représenter la Belgique aux prochains Oscars -, la France apporte également sa pierre à l’édifice cette année grâce à Jacques Doillon et son CE2, une plongée terrifiante au cœur du harcèlement scolaire que ce soit du coté du bourreau ou de la victime.
Claire et Kevin sont tous les deux élèves en classe de CE2 dans un petit village tranquille. Cependant, ce qui se passe entre les murs de l’école primaire va bien au-delà de ce que pourraient imaginer les adultes. Claire est, depuis quelques temps, la cible préférée de Kevin qui s’amuse à lui filer des baffes, à la menacer pour avoir son déjeuner allant même jusqu’à vouloir l’embrasser de force et soulever sa jupe devant ses petits copains bien évidemment amusés. Une situation intolérable pour Claire qui décide d’en parler à sa mère et qui, par la suite, en fait part à la direction de l’école qui prend des mesures pour éloigner les deux élèves. Mais rien n’y fait, le harcèlement continue de plus belle. C’est à ce moment qu’on découvre un peu plus la vie de Kevin, son quotidien mais surtout son environnement familial qui est loin d’être aussi agréable que celui de Claire. La question du “à qui faut-il imputer ce comportement” se pose assez rapidement.

Kevin nous apparaît d’abord comme un gamin absolument insupportable sur tous les points. Vulgaire, indiscipliné en plus de prendre un plaisir malsain à harceler Claire. Après tout si elle l’embrasse, elle sera son amoureuse et il ne pourra plus lui voler son goûter, c’est si simple ! Un comportement indécent et qui pourtant met déjà en lumière les problèmes sexistes que peuvent subir les filles dès leur plus jeune âge. Pourtant Claire ne se laisse pas démonter, loin de là, elle veut la paix et elle l’aura quitte à en parler au directeur – ce qui n’est jamais chose aisée tant on sait que certaines administrations ne daignent pas lever le petit doigt pour ce genre d’affaires -.
La mère de Kevin est, ce qu’on pourrait dire, aux abonné·es absent·es. Souvent partie se soûler la gueule avec son nouveau compagnon bien plus jeune qu’elle, elle n’ a que faire de son fils ou de ce qu’il pourrait faire tant qu’on lui fout la paix et qu’on la laisse dormir la journée pour qu’elle puisse aller s’éclater la nuit. Le père – parti depuis belle lurette – est quant à lui violent, y compris envers son fils. Peu étonnant que l’équilibre psychologique de cet enfant soit tellement précaire mais il n’est pas rare que les enfants reproduisent les schémas observés.
C’est un autre visage de Kevin qui apparaît. Un enfant paumé, mal-aimé de tou·tes et peut-être même jaloux de Claire et de sa situation familiale. Au contact de la petite fille, Kevin s’adoucit, trouver un but à sa vie et, par la force des choses, se détacher de ses parents toxiques pour espérer trouver un avenir meilleur. Le tout est fabuleusement porté par le duo d’enfants Roxane Barazzuol et Cyril Sader aussi rayonnants que torturés ainsi que de Nora Hamzawi qui continue de nous surprendre sur grand écran, sans compter Alexis Manenti et Madeline Knoll Relot qui forme un duo de parents détestables comme il faut.
En proposant un film tout en subtilité et compassion, CE2 permet de nous rappeler que les enfants et leurs actions découlent d’une éducation, d’un cadre familial et qu’il est bon, parfois, d’essayer de regarder derrière le bourreau pour comprendre et trouver des solutions pour que cela n’arrive plus car il ne faut pas oublier que le harcèlement scolaire continue de tuer.
CE2 de Jacques Doillon. Avec Roxane Barazzuol, Cyril Sader, Madeline Knoll Relot… 1h30