Dès le 25 juillet en salles, C’est Qui Cette Fille est le dernier long métrage en date de Nathan Silver, une oeuvre poussée et complexe dans laquelle le réalisateur choisit de mettre en lumière un casting franco-américain. C’est Qui Cette Fille raconte l’histoire de Gina, une hôtesse de l’air qui a perdu son amant suite à un suicide. Un film que Nathan Silver avait depuis longtemps en tête et a réussi à rendre possible avec l’actrice Lola Bessis. Onsefaituncine a rencontré Nathan Silver et la jeune actrice-réalisatrice lors de son passage au Terrass” Hotel à Paris pour la promotion du film. Attention spoilers !
• Nathan, Thirst Street est une oeuvre particulièrement originale dans sa finalité. Mais comment vous est venu cette idée, cette histoire, quelle est la genèse de ce film ?
Nathan Silver : J’ai tourné un film avec Lindsay qui joue Gina à Denver où elle jouait un second role. Quand je suis revenu du tournage, j’ai discuté avec mo co-scénariste en lui expliquant que je voulais lui écrire un rôle en tant que personnage principal. Il a donc écrit un script où elle vient à Paris, je n’avais jamais vu le script mais cette idée de venir à Paris, en France pour un moment me restait en tête ainsi que l’idée de quelqu’un qui vient dans un pays étranger et interprète mal la façon d’y vivre et ses interactions sociales, ça m’intéressait.
• Vous aviez déjà travaillé avec Lindsay Burdge auparavant, est-ce que cette fois c’était différent ou vous aviez la même connexion qu’auparavant ?
NS : La 1ere fois que j’ai travaillé avec elle c’était pour un film moitié documentaire, moitié fictif. Et donc comme je suis dans le film aussi, où je joue un réalisateur super cool, elle a cru que c’était comme ça aussi que je réalisais mes films. Elle a adoré même si ca été une expérience particulière pour elle, elle a adoré et a voulu retravailler avec moi.
Comment avez vous décider de choisir Lola pour le rôle de Charlie ? Et vous Lola, quel à été votre premier impression en lisant le scénario ?
NS : Enfaite, j’ai présenté un film à Deauville et Lola était membre du jury, on s’est connus comme ça et comme je savais que je voulais tourner en France, je voulais le faire avec Lola. Donc, j’ai approché Lola, les personnes avec lesquelles elle travaille, ainsi que Claire, une amie en commun et ça s’est fait tout simplement.
Lola Bessis : Oui, Nathan a une sorte de “feeling” pour les gens. Il décide de travailler avec des gens, on ne sait pas pourquoi. Et à l’inverse, les gens qui connaissent Nathan comme Claire, ça passe ou ça casse. Certaines personnes peuvent le detester et d’autres peuvent se dire qu’il y a quelque chose a explorer. Mais ce n’est pas la seule chose, j’avais vu son film Uncertain Terms quand j’étais dans le jury à Deauville. Il était hyper beau, touchant, on sentait que c’était un film avec peu de moyens. Et j’avais beaucoup aimé le film, alors que le reste du jury pas forcément mais c’est ce qui est intéressant avec les films de Nathan. Les gens vont soit détester, soit adorer mais en tout cas ça créer toujours une réaction, ça nous laisse jamais neutre parce que ce sont des experiences sensorielles. C’est une question de sentiments. On s’est parlé à la fin du festival, on est restés en contact, il m’a présenté son projet, il est venu à Paris. On a discuté acteurs, castings, je lui ai présenté Damien (Bonnard) et je savais pas du tout qu’il ne parlait pas anglais, car le film est centré sur le problème de non-compréhension, de mauvaise communication et au fur à mesure le projet se développait mais ça restait une idée de 25 pages sans dialogues car c’était un travail basé sur l’improvisation. Après, on a beaucoup parlé personnages, il fallait bien connaître nos personnages pour après improviser, car il faut savoir comment réagir. Il faut préparer un background du personnage.
• C’était la même préparation pour tous les personnages ? Avec l’improvisation ?
NS : C’était comme ça avec tous les personnages.
LB : Je comprends que ce processus peut faire peur aux acteurs expérimentés mais pour des jeunes acteurs, c’est parfait car il y a tout à essayer. Après on manquait un peu de temps et de mon côté, y a un côté plus technique qui était la danse et on avait peu de temps donc c’était plus compliqué et donc y avait aussi parfois dans les actions un jeu improvisé.
• Thirst Street est un film particulier à définir car il surprend. On s’attend à une comédie romantique mais on termine avec un thriller psychologique, une comédie noire ce qui déroute mais capte aussi. Est-ce que avec ce film vous souhaitiez surprendre, dérouter, étonner ?
NS : Le projet initial était qu’on voulait faire un thriller érotique et puis on a commencé à penser à comment on pouvait jouer avec ça. Donc on a ajouté cette obsession qu’ont les personnages, toute cette romance aussi on l’a ajoutée. Et puis, je ne pouvais pas faire un film sans cette humour humiliant et c’est parti comme ça par ajout avec toutes ces choses qu’on voulait dans le film. Si tu veux faire un film, tu le fais avec toutes les choses que tu aimes et j’ai le sentiment que c’est comme ca que tous ces éléments sont arrivés. Ça peut être déroutant pour certains, parce que ils ne savent pas quoi en penser, quoi en faire.
LB : Parce qu’il aime les films disney et les strip clubs [rires].
NS : [rires] Oui, donc je les ai mélangés ensemble !
• Plus on avance dans le film, plus on comprend que le problème du personnage de Gina et de sa relation aux autres personnages est d’ordre psychologique. Pourtant, cela n’est jamais explicitement avancé. Ce que aborder le thème de la santé mentale, des PSTD de manière subtil et indirecte à été compliqué ?
NS : Oui, comme on le disait c’est une expérience sensorielle, c’est plus qu’est-ce qui arrive quand ton amant se suicide, dans quel état ça te laisse et comment tu te confrontes à la réalité, car elle est complètement différente à cause de cette expérience et elle doit vivre avec. Et Gina glisse vers la folie, elle est constamment retournée par la réalité et elle fonce dans cette désillusion
LB : C’est marrant qu’on fasse cette interview devant la Tour Eiffel !
NS : Ça rejoint le film [rires] !
• La cinématographie, la musique et les effets de lumière prennent une extrême importance dans le film, on a l’impression que c’est aussi ces éléments qui montre la descente aux enfers du personnage du Gina et à la fois, cela met en lumière l’univers de ton personnage Lola. C’est ce qui rend le film esthétiquement puissant, est-ce que vous pouvez nous parler de ces choix, de ce travail ?
NS : La lumière, les caméras étaient là de façon à nous faire ressentir. Ça venait plutôt dans l’émotion que dans la logique. Avec cette cinématographie où les couleurs changent, c’est ce qui donne l’émotion, l’horreur mais aussi la beauté qu’on voulait mettre en avant dans le film. Et aussi l’expérimentation car Gina vit une expérience à Paris. Donc, j’ai commencé à penser aux films que je regardais quand j’étais plus jeune, avec cette cinématographie où tout était expressif, exagéré et avec des couleurs vives. La musique est vraiment basée sur les eighties, c’est un peu aussi la musique qui donne le rythme du film.
• Est-ce que vous pensez que Thirst Street est finalement plus une tragédie ? Car quand on voit la scène final, c’est un sentiment triste qui persiste.
NS : Je pense que c’est quand même un happy ending, car elle a ce qu’elle veut, Jérôme et Clémence ne sont plus là. Bien-sûr, c’est une fin tragique pour les autres personnages et l’amour n’est pas vraiment réel, ni partagé mais c’est comme ça. J’aime cette idée de twist dans un happy ending.
LB : Et en plus elle se marie !
NS : Oui ! Son illusion devient une réalité.
LB : C’est comme la chaussure dans Cendrillon avec la blague ! Le pied rentre, et là le doigt rentre pas[rires]. Pour les autres c’est horrible oui [rires], parce que y a un accident. Mais en terme d’amour, je ne pense pas que Jérôme (Damien Bonnard) et Clemence (Esther Garrel) soit fait l’un pour l’autre et Charlie si elle avait été avec Gina, Gina aurait fini par la tuer [rires], donc c’est mieux pour tout le monde.
C’est qui cette fille de Nathan Silver est en salles le 25 juillet.
Merci à Ciné-Sud Promotion qui a organisé cette entrevue.