À l’heure du tout numérique, il est bon de se rappeler de l’importance et de la pérennité du support physique. Les DVD et les Blu-Ray lorsque nos films et séries préféré·es ne sont pas assuré·es de rester sur les diverses plateformes de streaming, ou encore les photos de famille, témoins d’une période et de souvenirs indélébiles. C’est ainsi que Ry?ta Nakano vise dans le mille avec La famille Asada, un film délicat, inspiré d’une histoire vraie.
Chaque membre de la famille Asada – comme bon nombre de familles – a un rêve secret. Chacun·e s’imagine hors de son quotidien : le père rêve d’être pompier, le grand frère pilote de Formule 1 et leur mère ne dit pas non à devenir épouse d’un Yakuza. Au milieu de ces rêves farfelus se trouve Masashi qui, depuis qu’il a reçu un appareil photo de son père, s’évertue à réaliser les rêves un peu loufoques de sa famille à travers ses photographies. Lassé des sempiternels souvenirs de famille, Masashi sort des sentiers battus pour faire rêver, le temps d’un instant.

De nombreuses thématiques se dégagent de La famille Asada, avec évidemment celui de la famille. Si tout le récit tient sur les épaules de Masashi, il ne peut exister qu’à travers tous les personnages qui gravitent autour de lui. Malgré tous les problèmes et les désaccords qui traversent les Asada, le réalisateur se plaît à tou·tes les faire se retrouver dans des moments de joie et d’émotion, ne tirant jamais dans le pathos et s’amusant même à déjouer nos attentes – en témoigne la scène d’introduction et de conclusion qui se répondent avec de l’émotion puis de l’espièglerie -. Chaque personnage trouve sa part de lumière dans cette histoire, notamment le père de Masashi : Akira Asada. Pour recontextualiser, nous voilà dans les années 90 dans un pays encore – toujours – très patriarcal. Si bien qu’Akira fait figure d’exception dans cette société, préférant devenir homme au foyer pour s’occuper du linge et de la cuisine pour que sa femme puisse mener à bien sa carrière d’infirmière. Ce personnage atypique et tendre est le point névralgique du récit mais aussi de la famille, permettant à Masashi de devenir le photographe qu’il est aujourd’hui.
Nous voilà le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9,1 frappe le large des côtes nord-est de l’île de Honsh?. Ce dernier entraîne un tsunami ravageant plus de 600 km de côtes et détruisant bon nombre de villes portuaires. Outre les dégâts matériels, les pertes humaines sont tout aussi importantes : 18 079 morts et disparus. C’est dans ce contexte de deuil que Masashi Asada met de côté son travail de photographe pour aider les autres. Avec l’aide d’autres bénévoles, il se lance dans le sauvetage de milliers de photos retrouvées dans les décombres des maisons. Un travail minutieux et éreintant commence malgré la portée humanitaire bien moins importante. Les rescapé·es et familles des victimes ont pu récupérer quelques photos, des souvenirs impérissables de moments joyeux. Dans une mise en scène toujours très minimaliste mais qui sait aller à l’essentiel, Ry?ta Nakano dépeint avec tendresse et non sans une certaine émotion des retrouvailles inespérées avec des bribes de souvenirs lorsque tout semblait perdu.

La dernière partie offre une conclusion plus légère, malgré les désaccords et l’éloignement involontaire de Masashi. Le voilà de retour parmi les sien·nes, à continuer son travail de photographe avant une conclusion des plus surprenantes mais qui correspond assez bien à la famille Asada, toujours dans la bonne humeur et la candeur. Voilà un terme qui pourrait définir le long-métrage : une candeur qui n’a rien de naïve et qui a tout de touchante. Une générosité sans faille embaume le film, des regards qui se répondent et se soutiennent, des personnages traversés par des moments de bravoure.
La famille Asada écrit et réalisé par Ry?ta Nakano. Avec Kazunari Ninomiya , Haru Kuroki, Satoshi Tsumabuki… 2h07
Sortie le 25 janvier 2023