Stéphane Demoustier se lance dans le film de procès et signe une affaire captivante et impeccablement interprétée. Pour ne citer qu’eux : Chiara Mastroianni, Roschdy Zem et Anaïs Demoustier font partie du casting de choc… Quant à Mélissa Guers, l’actrice qui campe l’héroïne, c’est en répondant à une annonce postée sur Facebook qu’elle a retenu l’attention du réalisateur ! C’est certain, elle était faite pour le rôle. À vous, maintenant, d’affronter le regard de cette jeune femme et d’assumer le poids de l’irréfutable doute.
À la vie…
Lise a 16 ans lorsque le corps de sa meilleure amie Flora est retrouvé poignardé. Dernier témoin à avoir vu Flora vivante, Lise est immédiatement soupçonnée de meurtre. Après six mois de détention provisoire, la jeune femme doit porter un bracelet électronique jusqu’à son procès; le spectateur arrive donc précisément à cette étape. Fasciné par la musique théâtrale de la Cour, Stéphane Demoustier analyse et scrute avec pudeur la température glaciale de cette humanité en proie aux doutes. Et quels doutes ! Si l’intimité est dévoilée par le prisme du domicile familial, c’est avec une certaine distance que la caméra scrute les visages graves des personnages : parents blessés dans leur chair, mère de la victime meurtrie ou bien encore vraie-fausse “méchante” (la substitut du procureur), qui ne cesse de semer un trouble procédurier dans les esprits interrogés.
Juger ou rendre justice
Jamais l’on pense au pathos larmoyant d’un cinéma social suranné. Les témoins défilent à la barre et le spectateur est comme suspendu aux lèvres de celles et ceux qui ont aimé et fréquenté l’accusée. Aurait-elle été capable de commettre une telle horreur ? Si le père (R. Zem) contient fébrilement une grande nervosité qui ne manque pas d’agacer sa fille, la mère (C. Mastroianni) se mure dans une dignité de fer, en témoigne cette triste et terrible scène d’échange de regards avec l’autre mater dolorosa lors d’une pause cigarette, soulignant au passage une qualité de jeu bluffante… cette coupure, si anodine soit-elle, en dit long sur les silences pesants, à commencer par ceux de Lise qui, enfermée dans son box transparent, tient tête à la machine infernale de la Justice.

L’on retiendra de ces nombreuses séquences au tribunal la rigueur quasi-documentaire de Stéphane Demoustier qui nous aura confié avoir préparé son film en assistant de manière addictive à de nombreux procès jusqu’à emprunter rigoureusement les “codes” de cet univers à part (Pascal-Pierre Garbarini, le président du tribunal, est avocat dans la vie).
Tirade et plaidoirie se confondent ainsi pour le plus grand plaisir des actrices qui laissent jaillir leur talent de rhétoriciennes comme le clame fièrement Anaïs Demoustier qui interprète le rôle difficile et glaçant de l’opposition. Le procès de l’adolescente devient le théâtre d’un duel de générations – à peine séparées de quelques dizaines d’années – se voyant confrontées à une morale dépassée, sévèrement piétinée par l’avocate de l’accusée (Annie Mercier).
Ce qui tient donc en haleine le spectateur n’est peut-être pas ce que l’on retiendra du film. Rendre justice n’est pas chose facile…
La fille au bracelet de Stéphane Demoustier. Avec Mélissa Guers, Anaïs Demoustier, Roschdy Zem, … 1h36. Sortie le 12 février.