[CRITIQUE] La ruse : J’ai perdu mon corps (à la guerre)

La mention « Inspiré d’une histoire vraie » peut sembler pour certain·es une blague récurrente, une façon de nous faire croire à la véracité de quelque chose qui ne peut avoir eu lieu. Et pourtant, il serait plus logique de voir ces quelques mots comme un rappel, celui de la nature imprévisible du monde et de l’être humain. Le film du jour est bien inspiré d’une histoire vraie et, chose étrange, c’est quand il assume son fait passionnant qu’il réussit pleinement, là où son traitement romancé alourdit inutilement son propos.

Durant la Seconde guerre mondiale, alors que les Alliés cherchent le moyen de porter un gros coup à Adolf Hitler, un plan est envisagé pour débarquer des troupes en Sicile. Malheureusement, cette attaque est prévisible et prévoit de faire de nombreuses victimes. Des officiers britanniques développent un plan ingénieux pour faire croire à un débarquement dans une région plus éloignée. L’idée ? Remettre les documents indiquant cette future manœuvre au cadavre d’un supposé agent.

Les personnes qui connaissent cette histoire savent assurément l’intérêt de celle-ci, ainsi que l’importance qu’a eue ce soldat inconnu dans la reconquête des Alliés pour la liberté. Sa transposition cinématographique découle d’une certaine logique, surtout quand on y voit le traitement qui lui est donné par la scénariste Michelle Ashford. Toute la procédure relève d’une approche quasi ludique, le développement narratif d’un personnage par la création de son existence entière. Voilà sans équivoque les meilleures parties du film, profitant en ce sens d’un casting de qualité en la présence de Colin Firth, Matthew MacFadyen et Kelly Macdonald. On pense notamment à cette séquence de « casting », ou même à l’insertion d’Ian Fleming, créant un parallèle amusé (bien que peu subtil) avec le personnage de James Bond.

Warner Bros

Pourtant, alors que sa transposition historique crée un intérêt certain malgré la résolution prévisible de l’affaire, le bât blesse dans sa tournure romantique. Les personnages explicitant le besoin d’une romance pour leur soldat, le film se retrouve à traiter ses rapports relationnels avec une certaine lourdeur. Cet aspect se révèle dommageable, le long-métrage étant pourtant plus intriguant dans son traitement à la création que Shakespeare in love, du même réalisateur John Madden. Si ce dernier offre peu d’inventivité dans sa mise en scène, il relève quand même d’une application certaine qui appuie la nature distrayante du film.

Voilà donc le sentiment de trop peu dans lequel nous laisse La ruse (également sorti sous le titre Opération Mincemeat) alors même que le film dispose de tout ce qu’il faut pour fonctionner. S’il n’y avait pas cet aspect relationnel exacerbé pour apporter plus de dramaturgie à une œuvre qui n’en manquait pourtant pas par son postulat de départ, on aurait pu qualifier ce long-métrage comme une très sympathique réussite. Heureusement, il nous reste au moins un bon film, assez ludique pour nous amuser dans son traitement de la création narrative, et assez surprenant dans son récit pour nous rappeler que la mention « inspiré d’une histoire vraie » devrait nous éveiller un peu plus au pouvoir fictionnel de notre réalité…

La ruse, de John Madden. Écrit par Michelle Ashford. Avec Colin Firth, Matthew Macfadyen, Kelly Macdonald … 2h07
Sorti le 27 avril 2022

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