Pour son premier long-métrage, la réalisatrice Marion Desseigne Ravel s’est inspirée de sa jeunesse dans le quartier de la Goutte d’Or pour y dérouler son récit : une histoire d’amour entre deux jeunes femmes de banlieue dont les “clans” sont ennemis. Une première incursion remarquée avec un sujet dont le cinéma français ne s’était pas encore vraiment emparé.
Nedjma est à la tête d’une bande composée de ses copines mais aussi de sa petite sœur qu’elle aime plus que tout. Dans son quartier, le mélange des cultures et des origines n’empêche pas des scissions importantes. Chacun·e doit défendre son bout de territoire sous peine de se le faire voler par quelqu’un d’autre. Le banc rose est le lieu attitré de Nedjma et sa bande, pas question que quelqu’un·e y touche. Sauf que tout bascule le jour où Zina, la nouvelle voisine de Nedjma, décide de s’y assoir sans connaître l’enjeu autour de ce terrain. Contrainte de faire comprendre à Zina qu’elle doit récupérer son bien, c’est au détour d’un regard que Nedjma commence à développer des sentiments interdits envers sa rivale par défaut.

Zina ne connait rien aux dures lois du quartier et comprend rapidement qu’on ne fait pas ce qu’on veut et qu’il finit toujours par y avoir des répercussions. Souvent infantiles et/ou dégradantes, Zina doit y faire face. Pourtant, malgré la rancœur qu’elle pourrait porter envers Nedjma et sa bande de copines, l’adolescente refuse de se plier à ces règles. Plus encore, elle développe également des sentiments pour Nedjma. Mais comment vivre cette relation pleinement lorsque tous les regards sont braqués sur vos faits et gestes, et que l’homosexualité n’est pas forcément bien vue ? On se cache. On se réfugie sur le toit des immeubles car il n’y a que là qu’elles peuvent vivre pleinement leur premiers émois. Certaines scènes au clair de lune ne sont pas sans rappeler Moonlight et sa scène sur la plage où les deux protagonistes sont baignées d’une lumière bleue et où, face à la nature et au vide, elles peuvent s’exprimer.
Loin de sombrer dans le pathos du drame romantique façon Roméo & Juliette, Les Meilleures est aussi une plongée crue dans la violence des quartiers sous le prisme féminin. Exit les hommes, vive les femmes, la sororité mais aussi les jalousies intrinsèques. Certaines n’hésitent pas à avoir recours à la violence mais aussi aux menaces verbales pour se faire respecter et gare à celle qui se permet de faire une mauvaise blague à l’une des leurs, le retour de bâton n’est jamais bien loin. En cachant délibérément aux autres qu’elle a des sentiments pour Zina, Nedjma trahit la confiance des siennes, ce qui entraîne une série de réactions en chaîne menant doucement à sa perte et son retrait du groupe. Ainsi, Marion Desseigne Ravel nous interroge quant à la puissance du groupe, sa force de persuasion et comment une poignée de personnes peut décider de ton destin en un claquement de doigts. Elle met en lumière les dynamiques qui s’exercent, non sans certaines facilités imputables pour un premier film où on a tendance à dire beaucoup trop de choses alors que le sujet est déjà là.
Les Meilleures peut compter sur son duo Lina El-Arabi et Esther Rollande, deux douceurs dans un monde de brutes qui sont absolument resplendissantes de contradictions et de sensibilité. Un premier film rafraichissant et qui réussit à inscrire sa romance lesbienne interdite sans tomber dans les clichés inhérents.
Les Meilleures écrit et réalisé par Marion Desseigne-Ravel. Avec Lina El Arabi, Esther Bernet-Rollande, Mahia Zrouki… 1h21
Sortie le 9 mars 2022