Ce mois-ci, Ciné + fait un joli coup en proposant dès le 1er novembre la chaîne Ciné + Anime où les abonné·es peuvent découvrir plus de 40 films d’animation japonaise parmi lesquels certaines œuvres de Hosoda Mamoru (parfait avant la sortie de Belle), Hara Keiichi ou encore de Shinkai Makoto. C’est aussi pour nous l’occasion de se pencher sur des films moins connus et pourtant tout aussi surprenants comme Maquia, when the promised flower blooms.
Après le visionnage, une question s’est presque naturellement posée : sauriez-vous citer une ou plusieurs réalisatrices d’animation japonaise ? Il y en a peu, les Hosoda Mamoru, Watanabe Ayumu et autres Yuasa Masaaki prenant le devant de la scène. Et même si on aime et on respecte à bien des égards leur talent, on a envie de sang neuf. Et qui de mieux que Okada Mari qui porte quand même derrière elle plus de 20 ans de carrière comme scénariste pour nous proposer son premier long-métrage ? Nous voilà alors plongé·es dans un monde d’heroic fantasy tiré tout droit de l’imagination de la réalisatrice, un monde magique, céleste où nous suivons la jeune Maquia, une lolph. Son peuple sont des tisseur·ses immortel·les qui vivent en retrait en prenant soin de ne jamais rentrer en contact avec les humain·es. Pourtant un jour, ce sont ces dernier·es qui viennent à elleux, violent·es et avides de détenir également la clé de l’immortalité, pour décimer quasiment la totalité de la population. Par chance, Maquia réussit à s’échapper et atterrit dans une caravane également attaquée où seul un bébé a réussi à survivre. Seule et dans un élan de désespoir, elle prend cet enfant qu’elle décide d’élever comme le sien. Mais comment élever un enfant quand on est soi-même une enfant ?

Maquia, when the promised flower blooms est une oeuvre extrêmement dense qui peut paraître difficile à appréhender aux premiers abords. C’est peut-être d’ailleurs son seul point faible, étendre toute une diégèse sur seulement deux heures devenant un parti risqué. Okada Mari prend celui de ne pas tout développer, préférant se concentrer sur les éléments qui font avancer l’intrigue. Il en résulte un arrière-goût d’inachevé dans certains aspects de la narration. Pourtant, si on choisit d’adhérer au point de vue de la réalisatrice, ce long-métrage s’avère passionnant à bien des égards.
Tout le point névralgique réside en la relation entre Maquia et Ariel, le bébé qu’elle a sauvé. Se déploient trois temporalités bien distinctes. Dans un premier temps, on suit Maquia dans ses premiers pas de “maman” épaulée par une jeune femme également mère qui l’héberge et veille sur elle. Il y a quelque chose de très doux et presque candide dans cette relation et dans la volonté de Maquia d’être une bonne mère envers et contre tou·tes. Mais le/la sepctateur·rice le sait, le petit Ariel grandt et pas Maquia. Comment va évoluer cette relation ? La seconde partie vient répondre à cette question avec une efficacité folle car en plus de dépeindre cette relation qui évolue où deux personnes s’aiment et se déchirent par la même occasion (notamment à cause du fait qu’Ariel est constamment sujet et aux moqueries et rumeurs concernant son affiliation avec Maquia), la réalisatrice brosse un portrait très large et juste de la condition des femmes dans une époque médiévale. À côté de ça Ariel grandit et, comme tous les garçons de cet âge, se rebelle. Ce à quoi Maquia n’a pas forcément les armes pour y répondre si ce n’est l’amour inconditionnel qu’elle lui porte. Un amour qui transcende absolument toutes les barrières dans une troisième partie beaucoup plus épique, avec plus d’enjeux que ce soit pour Maquia, son peuple ou encore Ariel désormais adulte.
L’instinct maternel (sous plusieurs formes) est le fil rouge de ce film qui vient poser les bonnes questions sans forcément nous donner les réponses qui vont avec, préférant nous laisser le choix de l’introspection pour connaître notre propre relation à l’autre, à notre descendance, à ce qu’on est et qui nous définit en tant qu’humain·e. Et comme si le récit ne nous avait pas déjà assez broyé le cœur, il nous en met aussi plein les mirettes avec une générosité dans les détails, les paysages et le travail des personnages qui fait de ce film quelque chose de presque unique dans une animation japonaise certes jolie mais aseptisée par les mêmes histoires et les mêmes personnages.
Maquia, when the promised flower blooms est la première pierre d’une réalisatrice plus que prometteuse sur plusieurs points. Mari Okada nous propose ici un film généreux, une histoire d’amour mais avant tout une histoire humaine, l’histoire peut-être la plus complexe qui soit, celle de la vie mais qui, si on le veut, peut s’avérer la plus belle de toute.
Maquia, when the promised flower blooms de Mari Okada. Avec les voix de Manaka Iwami, Miyu Irino, Yôko Hikasa… 1h55
Disponible sur Ciné+