Bong Joon-Ho avait déjà une carrière relativement impressionnante composée de films imposants comme Memories of Murder, The Host, Snowpiercer ou encore le récent Okja. Mais avec Parasite il explose ses propres records en remportant la première Palme d’Or coréenne de l’histoire de Cannes. Porté par son acteur fétiche Song Kang-Ho, Parasite met en opposition les classes sociales en Corée du Sud. D’un côté une famille bourgeoise dans les quartiers riches, en hauteur, de l’autre, les pauvres dans les bas-fonds de la ville.
Une comédie qui tombe dans le drame pur
Bong Joon-Ho sait jouer avec les genres qu’il maîtrise à la perfection, passant de la comédie au drame en un rien de temps avec une facilité déconcertante. Parasite commence comme une comédie bien pensée et extrêmement rythmée qui met en scène les magouilles d’une famille dans le besoin prête à tout pour gagner de l’argent. Via une succession de malversations toute la famille Ki-taek parvient à se faire engager par la richissime famille Park. Comme son titre l’indique ils vont s’installer progressivement et profiter de la richesse de cette famille pour vivre à leur crochet. Mais l’intelligence de Bong Joon-Ho va se révéler puisque le propos est à double tranchant, et on finit par ne plus savoir qui est réellement le parasite, puisque cette famille de riches, hautaine et prétentieuse, méprise les plus pauvres, et un cadre de vie plus succin. Le cinéaste met parfaitement en opposition les castes sociales, et les habitudes qui vont avec. Des caractères différents, des coutumes différentes, et un comportement différent. Dans sa première partie Parasite reste sur le ton de l’humour, comparant les rythmes de vie, jouant sur les fossés pécuniaires pour créer des ressorts comiques.

Petit à petit l’opposition sociale va devenir plus pesante, et le film va doucement tomber vers une approche beaucoup plus dramatique. Délaissant la comédie pour tomber dans le polar violent, Bong Joon-Ho démontre la violence d’une société. Avec un certain fatalisme il constate l’oppression d’une domination capitaliste. Il cherche à mettre en exergue le fonctionnement totalement stupide d’une société qui catégorise ses membres, les hiérarchise et surtout les sépare. Rien que les décors mettent en lumière ce propos, avec la maison des Park qui semble être dans un autre univers, tranquille sur une montagne au dessus de la population. Et lorsque les torrents de pluie dévalent la pente pour se loger dans les quartiers pauvres le message est claire : les riches balancent leurs merdes sur les pauvres. Une séquence accompagnée d’une course effrénée de la famille Ki-taek qui va découvrir se demeure submergée par les eaux.
Avec une écriture précise, Bong Joon-Ho permet à Parasite de se conclure sur une touche véritablement négative, mais aussi très violente, qui exprime l’agonie d’une société, d’un peuple fatigué de voir la richesse conservée par une minorité. C’est un cri désespéré qui offre une inversion des rôles. Le parasite n’est plus le pauvre qui vit au crochet du riche, mais bien ce dernier qui profite d’une société inégale et injuste sans se soucier des autres. Le parasite n’est plus celui dans le besoin, mais celui qui consomme sans réfléchir, celui qui dépense, celui qui vit dans son palais, et surtout celui qui profite de cet état des choses. Une inversion des rôles intelligente qui permet de clarifier la pensée du cinéaste, plutôt fataliste dans sa conclusion, qui confirme l’hégémonie du capitalisme. Déclarant, peut-être de manière impuissante, que le seul moyen de s’en sortir c’est finalement d’être riche…
Quoi qu’il en soit Parasite n’a pas volé sa Palme d’Or tant le film de Bong Joon-Ho est d’une maîtrise absolue et d’une écriture extrêmement précise. C’est difficile d’en dire plus sans spoiler tant le film regorge de rebondissements jusqu’à un final touchant.
Parasite de Bong Joon Ho. Avec Song Kang-Ho, Cho Yeo-jeong, So-Dam Park… 2h12
Sortie le 5 juin