Sébastien Lifshitz nous avait déjà ébloui il y a quelques mois avec son très réussi Adolescentes. Il sévit de nouveau sur Arte avec un documentaire ô combien important : Petite fille. Une plongée dans le quotidien de Sasha, 7 ans, née dans un corps de garçon mais qui a décidé de vivre comme une petite fille depuis ses 3 ans. Une différence qui a chamboulé sa famille et qu’elle doit faire accepter auprès de la société.
La question de la transidentité (et d’autant plus chez les enfants) peut être délicate à aborder dans un film sans tomber dans la vulgarité et le voyeurisme (coucou Marie-Castille Mention-Schaar et son A Good Man de très mauvais goût). Mais c’était sans compter sur Sébastien Lifshitz et sa capacité à capturer le réel avec pudeur et amour. Amour est d’ailleurs le mot qui pourrait parfaitement résumer Petite fille. Sasha et sa famille mène un combat mais un combat qui ne pourra être gagné que grâce à l’amour. Malgré les innombrables obstacles qui se dressent devant eux, c’est avec bienveillance qu’ils les combattent, jamais dans la colère même lorsqu’il s’agit de faire face au corps professoral réticent alors qu’ils auraient toutes les raisons (légitimes) de se mettre en colère.
Exit toute envie de faire du sensationnalisme ou du pathos. Lifshitz laisse le champ libre à Sasha de s’exprimer en tant que petite fille tout en offrant un très bel espace de parole pour sa famille et surtout sa mère. Une mère qui crie autant son amour pour sa fille que sa détresse face à une société qui ne l’accepte pas. Un appel à l’aide déchirant, symbole de milliers de mères dans le même cas qui, on l’espère, trouveront un réconfort dans ses paroles touchantes et sensées.

Si Karine prend beaucoup de place dans le discours du film, on en oublie pas pour autant Sasha qui se fait plus discrète. On observe pendant 1h30 une enfant vivre sa vie, choisir minutieusement son serre-tête qui ira avec sa tenue le matin, se rêver danseuse, jouer aux poupées avec sa sœur comme n’importe quel autre enfant à une différence près, une indication de sexe sur une identité administrative qui lui pose bien des problèmes. Impossible pour la petite Sasha de choisir le cartable ou la trousse qu’elle veut sans subir les foudres de son école, de choisir la tenue de ses rêves ou même de faire de la danse comme l’explique sa mère à la pédo-psychiatre. Le documentaire prend régulièrement place chez cette dernière pour prendre des nouvelles de Sasha, connaître son ressenti et surtout lui offrir un espace où toute la pression qui pèse sur ses frêles épaules peut retomber. De sobres moments où l’on assiste impuissant à une enfant face à la dure réalité et qui craque, tout simplement. Des moments silencieux mais absolument déchirants tant cette situation semble incompréhensible mais qui, grâce à ce documentaire, vont peut-être pouvoir enfin évoluer.
C’est grâce à ce genre de documentaire et à des gens comme la mère de Sasha qu’on peut rêver qu’un jour les mentalités bougeront. C’est d’ailleurs devenu le combat quotidien de cette dernière. Un combat certes éreintant mais nécessaire que le réalisateur réussit à sublimer dans un film d’utilité publique.
Petite fille c’est le porte-drapeau d’une rude bataille qui n’en est qu’à ses débuts mais c’est aussi un portrait. Pas seulement le portrait d’une petite fille transgenre mais surtout (et peut-être avant tout) celui d’une enfant qui veut vivre.
Petite fille de Sébastien Lifshitz. 1h25
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