Parfois, un bon vieux thriller suffit à nous plonger dans une ambiance et à nous filer les pétoches. À l’instar de I see you, qui jouait d’une certaine sobriété photographique pour offrir une mise en scène minutieuse, See for me propose un postulat (littéralement) glacial pour nous faire vivre une nuit de tension bien intense.
Sophie est aveugle. Elle qui était vouée à une belle carrière sportive dans le ski se retrouve démunie, et surtout déprimée, n’envisageant pas la dimension paralympique de sa discipline, soit la seule façon pour elle de retrouver, même en partie, ses passions. Elle enchaîne des missions de cat sitting, profitant de son handicap pour attirer la pitié des propriétaires et leur soutirer des bouteilles de grand cru qu’elle revend à bon prix. Après tout, qui soupçonnerait une personne handicapée ? En mission le temps d’un week-end dans une immense villa reculée en pleine cambrousse, Sophie est prise dans un bourbier bien plus grand qu’elle ne l’imagine. Prête à parfaire son larcin habituel, la maison se fait prendre d’assaut pendant la nuit par trois malfrats désireux de piller un coffre contenant un certain pactole, ces derniers pensant que la baraque est vide. Aux côtés de Kelly, opératrice en support de l’application See for me, destinée aux personnes mal/non-voyantes ayant besoin d’aide, et qui sera ses yeux, Sophie se défend, et démontre aux bandits qu’il ne vaut mieux pas la sous-estimer.
En modifiant deux éléments essentiels du piège en huis-clos, à savoir une unité de lieu bien plus ouverte qu’à l’habitude et la non-voyance du personnage principal, qui met en travers de sa route un parcours d’obstacles bien plus conséquent auquel s’additionnent ses antagonistes, Randall Okita met en place une machination filmique, qui joue de ses ressorts avec efficacité et utilise avec minutie l’enceinte de la maison. Tout peut devenir un piège implacable pour celle qui ne voit pas où elle met les pieds, doit agir souvent dans la précipitation, et est rapidement découverte par les braqueurs, là où l’opération aurait pu se passer sans qu’elle ne soit remarquée. Tentant premièrement de devenir l’alliée des voleurs, elle se retrouve rapidement ennemie lorsque la police qu’elle avait appelée au préalable intervient, et que la situation dégénère. Pour elle comme pour Kelly, qui la dirige depuis son écran, les enjeux de survie doivent se mêler à une nécessite meurtrière.
C’est dans la manière d’agencer à l’écran les diverses interactions que l’originalité de See for me se dévoile. Les contre-champs par écrans interposés, les cadres toujours limités pour nous refermer sur le prisme de perception de Sophie, tout est minutieux, nous plongeant dans une ambiance où si nous avons l’impression de voir les éléments qui entourent l’héroïne, nous ne voyons en réalité rien. Quelques lourdeurs se ressentent à l’écriture – le besoin d’ajouter le passé militaire de Kelly, vétérane de l’Irak, pour justifier sa capacité à diriger Sophie alors que nous la voyons jouer à un FPS quelques minutes plus tôt, n’était clairement pas nécessaire – mais globalement, le métrage va droit au but, et parvient à surprendre dans ses rebondissements, rendant l’humeur variant entre la suffocation et l’halètement ravi d’en découvrir encore plus.
Malgré une fin un poil caricaturale, See for me reste un exemple de thriller réussi, qui assume son concept en exploitant ses possibilités et ses limites. On espère que le film et Randall Okita se feront remarquer, avec l’envie de suivre les prochaines propositions avec vigueur.
See for me, de Randall Okita. Avec Skyler Davenport, Kim Coates, Jessica Parker Kennedy…1h33