Quelques mois après Ad Astra de James Gray, qui explorait les relations tumultueuses entre père et fils dans l’espace, voici Proxima d’Alice Winocour (Mustang, Maryland), sur les rapports entre une mère astronaute et sa fille de huit ans. Il est intéressant de voir à quel point et malgré un synopsis comparable, les deux œuvres divergent très vite. Là où Ad Astra envoie son Brad Pitt aux confins du système solaire dans sa quête du père, Proxima comme son nom l’indique garde Eva Green sur Terre. Le film reste donc les pieds sur Terre, pour mieux nous en montrer les richesses et notre lien maternel avec elle.
Cordon ombilical
Le film suit l’entrainement d’astronaute de Sarah , campée par Eva Green, alors qu’elle vient d’être sélectionnée pour passer un an dans l’espace coupée du monde. Un sacrifice d’autant plus grand qu’elle est mère de Stella, sa petite fille de huit ans, jouée très habilement par la tout aussi jeune Zélie Boulant-Lemesle. Une double séparation donc, à la fois entre une mère et sa fille, et entre une humaine et son monde. Ces deux aspects sont liés sous le regard d’Alice Winocour, qui filme tout aussi bien les prouesses d’astronautes d’Eva Green que ses difficultés en tant que mère. Sa réalisation, calme et posée, prend le contre-pied des aventures spatiales à laquelle le cinéma s’est habitué. Plutôt que de décoller à l’autre bout de la galaxie, ou réaliser des course-poursuite sur la Lune (comme dans Ad Astra !), Alice Winocour filme la Terre, notre mère à tous qu’il est bien difficile de quitter, au moins autant que l’astronaute Sarah doit se séparer de Stella. L’occasion d’illustrer les tourments de la maternité, et en parallèle de la féminité, alors qu’Eva Green évolue dans un milieu majoritairement masculin. Pourtant ici, nulle caricature dans un sens comme dans un autre. Si certains astronautes américains (ici l’acteur Matt Dillon) ou russes osent des blagues sexistes, ils se montrent aussi très compréhensifs et respectueux. De même, le père de Stella n’est pas aux abonnés absent. Bien que le couple soit séparé il répond rapidement présent et prouve qu’il est lui aussi un bon parent, loin des clichés habituels sur les pères inaptes. C’est justement ces « remplaçants » qui touchent la corde sensible de Sarah en tant que mère. Comme le dit l’un des astronautes du film, le pire n’est pas de partir et quitter la Terre, c’est de revenir, et voir que la vie continue sans vous. Ici, la vie prend la forme de sa petite fille, bientôt laissée entre les mains de son père, ou des psychologues formés par l’agence spatiale. Une très belle allégorie du « couper de cordon », le lien entre une mère et sa fille qu’il faut tôt ou tard rompre pour la laisser vivre. Allégorie là encore spatiale, puisque le terme est réellement employé dans le jargon des astronautes au moment de la séparation finale de la fusée avec sa tour de lancement.

La quarantaine, passage obligé pour exprimer la séparation entre deux êtres.
L’Europe de l’espace à l’honneur
Proxima a eu la chance de tourner sur les véritables lieux d’entrainement des astronautes européens et russes. On passe donc de Cologne en Allemagne aux steppes et forêts de l’Afghanistan ou de la Russie. Le tout sous la casquette et les T-shirts omniprésents de l’ESA, l’Agence Spatiale Européenne, trop souvent absente au cinéma au profit de sa consœur américaine NASA. Le film se pare donc d’un fascinant documentaire sur les véritables lieux d’entraînement des astronautes européens. On y croise même le français Thomas Pesquet, en caméo dans son propre rôle ! L’ambiance permet un rapprochement des cultures et des peuples entre européens, américains et russes, comme l’épopée spatiale sait les montrer. Avec en point d’orgue un superbe hommage à ces astronautes mères dans la vie réelle, dont l’histoire et les anecdotes de chacune émaillent l’intrigue du film, véritablement à mi-chemin du documentaire et de la fiction.
Proxima, de Alice Winocour. Avec Eva Green, Matt Dillon, Zélie Boulant-Lemesle…1h46. Sortie le 27 novembre 2019.
[…] Winocour nous a impressionné dans Proxima, son précédent film, par la justesse de sa mise en scène sur les difficultés relationnelles […]