Dernier numéro de notre rétrospective consacrée à Kim Jee-Woon, et qui va avoir pour but de s’intéresser à sa dernière proposition. Une proposition assez impersonnelle, dont on espère que le réalisateur va vite se relever.
Illang : The Wolf Brigade (2018)
Pour son dernier film en date, Kim Jee-Woon adapte le film d’animation Jin-Roh, la Brigade Des Loups (1999) de Hiroyki Okiura, pour un produit destiné à Netflix. L’uchronie, qui prenait place dans le Japon occupé par l’Allemagne nazie à la fin des années 50, va se voir recontextualisée dans un futur proche, avec des problématiques plus enclines à capter la géopolitique coréenne. Après une annonce de réunification entre les deux Corées, les mouvements de protestation s’accentuent, et avec eux l’apparition d’un groupuscule terroriste, “Sect“. Face à l’ampleur des dégâts et aux actions du groupuscule, le gouvernement met en place une nouvelle brigade sur-entraînée pour les combattre.
On avance ensuite sur un schéma classique de prise de conscience. Certains éléments de la Brigade qui, se liant avec les terroristes, réalisent que leur combat n’est pas forcément idiot. Une parenté avec les dystopies d’Alan Moore se fait alors ressentir, et les positions visuelles, évoluant alors dans un élément proche du steam-punk, offrent une panoplie de photographies avec des possibilités détonantes – lorsque la Brigade est en uniforme complet, on se croirait jouer à Bioschock -. Seulement, avec un Kim Jee-Woon qui semble absent à chaque séquence, on ne reste que sur un éventail de possibilités, toujours effleurées mais jamais exploitées.

C’est d’ailleurs dommage tant le matériau initial donnait matière à du grand récit épique. Mais à jouer avec ce faussement complexe, le spectateur est premièrement perdu, puis peu à peu désintéressé du spectacle. L’empathie ne survient pas tant les personnages sont plats, en proie à des dialogues stériles, et que la mise en scène ne suggère aucune envie de s’impliquer dans l’intrigue. Quelques plans soignés laissent à penser que les bonnes intentions sont là, mais une accumulation de séquences sans grand intérêt peine à emporter. Si l’on retrouve quelques gimmicks du travail de Kim Jee-Woon par instants, notamment pendant les scènes d’action, ces dernières ne valent pas tant le détour, et sont encore moins envolées que dans Le Dernier Rempart, jusqu’alors son plus impersonnel. Si le film plaît à Mamoru Oshii, qui avait scénarisé le métrage dont Illang : La Brigade Des Loups est adapté, le public coréen reste sur sa réserve, en témoigne un quota d’entrées bien moindre face aux attentes budgétaires.
Un dernier effort qui laisse une note amère, mais au vu de la carrière de Kim Jee-Woon, de sa pluralité de styles, et des propositions fortes qu’il a faites jusque là, aucun doute que ce qui est à venir s’augure dans le bon sens. S’inscrivant autant dans la comédie de mœurs, le potache, que dans des films sombres dotés d’une violence à la maîtrise vertigineuse, le réalisateur coréen n’a que peu de barrières. L’audace de ses tentatives – et ce malgré son essai vers la science-fiction raté – démontre d’un auteur en constante volonté de renouvellement. Une carrière qui nous réserve, on l’espère, encore son lot de surprises.
Illang : La Brigade Des Loups, de Kim Jee-Woon. Avec Jung Woo-Sung, Han Hyo-Ju, Gang Dong-Won… 2h19
Sorti le 19 octobre 2018 sur Netflix