Dominik Moll et Gilles Marchand (Harry, un ami qui vous veut du bien) reprennent leur collaboration et adaptent librement le roman éponyme de Colin Niel sorti en 2017. Déconcertant, leur film propose une succession de points de vue et promet au spectateur une mécanique du suspens bien huilée.
Tu t’en vas…
Non, nous ne sommes pas partis de la salle obscure bien que les premières minutes de ce thriller fragmenté soient assez déroutantes : quelque part en Afrique, un homme porte un animal sur son dos. Il frappe à une porte. Séquence suivante : une route perdue dans les Causses et un prénom qui s’affiche, celui d’Alice (Laure Calamy); c’est le premier chapitre/personnage ouvrant le fiasco hasardeux auquel nous allons assister.
En bref, Alice trompe son mari Michel (Denis Ménochet) avec Joseph (Damien Bonnard), un brave garçon qui ne sait parler qu’à son chien et à son troupeau. Joseph est un “cas social” comme le dit si bien le bourru Michel (qui se sait cocu de surcroît). Tout ce joli monde cohabite sinistrement dans cet endroit reculé lorsque l’on annonce qu’une femme a disparu (Valeria Bruni-Tedeschi). Arrive alors le gentil gendarme (Bastien Bouillon, vu très récemment chez Sébastien Betbeder dans Debout sur la montagne) qui pose plein de questions mais qui (semble-t-il) ne résoudra jamais rien parce que la femme recherchée est morte et que son corps a été déposé dans la cour enneigée de Joseph, le coupable idéal.
Paniqué (mais heureux ?) Joseph cherche donc à faire disparaître le corps de cette belle femme dans la forêt enneigée… mais c’est sans compter sa légère tendance nécrophile et son amour pour la solitude qui le poussent enfin vers la sortie de tout ce bordel terrestre. Avec la morte, Joseph partage de beaux moments de complicité (si, si !) et ensemble, ils écoutent ce standard incontournable de la chanson française qui a pour titre exhaustif “Tu t’en vas”. Oui, c’est à partir de ce moment-là que l’on accroche vraiment et que l’on se dit “c’est complètement glauque mais je reste”.

Engrenage
Mais alors, qui a tué la morte ? Bah oui, on se le demande tout de même ! Après être passé par la case “Alice” puis la case “Joseph”, c’est au tour de Marion d’entrer dans la partie. Mais c’est qui Marion ? Eh bien Marion, c’est la jeune amante de la morte. Mais attention parce que la partie se corse lorsque Marion devient Amandine à Abidjan. Amandine, c’est l’arnaque de Michel. Vous suivez ?
Oui, tout ceci est invraisemblable (et drôle) et comme dans le roman, on nous fait passer d’un point de vue à l’autre pour nous emmener – par le biais de l’irrésistible montage alterné – en pleine séance de maraboutage à Abidjan. Et tout ceci n’est que le fruit du hasard, meilleur ami de la malchance qui aura fait quelques dégâts sur son passage ; reste alors à dénouer le tout par une séquence finale assez cocasse, comme le net contraste du calme revenu après la tempête.
En bref, Seules les bêtes promet aux spectateurs une intrigue bien ficelée (car tirée d’un roman) mais si le titre annonce le mystère, le processus de dévoilement de l’intrigue est quelque peu refroidissant, faute de nous emmener plus loin dans la réflexion sur les vanités de l’espèce humaine.
Seules les bêtes, de Dominik Moll. Avec Denis Ménochet, Laure Calamy, Valeria Bruni Tedeschi, … Sortie le 4 décembre 2019.
[…] Seules les bêtes en 2018, Dominik Moll revient avec un nouveau polar. Plus brut que ce qu’il a pu nous montrer […]