Si David Fincher a habitué son audience à une exploration maîtrisée du thriller depuis la sortie de Seven en 1995, il a également su démontrer au fil d’une filmographie riche et consistante sa capacité à en utiliser et détourner les codes au gré de ses envies. On se souvient particulièrement de son fameux Gone Girl en 2014 et son propos sur les médias mais avant cela, Fincher s’attaque à un gros morceau de la littérature policière scandinave : les Millenium de Stieg Larsson.
Millenium suit Mikael Blomkvist, journaliste en quête de rédemption et Lisbeth Salander, hackeuse marginale alors qu’iels tentent de résoudre une affaire de disparition vieille de 40 ans dans l’hiver suédois. Comme toujours dans le cinéma de David Fincher, la grande force du film réside dans son scénario et particulièrement dans l’écriture de ses personnages. Au début du film, Lisbeth et Mikael sont tous deux des marginaux, rejetés par l’environnement dans lequel iels vivent et évoluent en parallèle jusqu’à leur rencontre. Ce détail peut sembler spécial mais est primordial dans l’histoire : ce n’est qu’à ce moment-là que leur relation est la plus susceptible de mener à la résolution de l’enquête. Car en effet, malgré plusieurs sous-intrigues, le film ne perd jamais le fil rouge de l’investigation principale. Chaque événement trouve son utilité dans le développement des personnages ou de l’histoire, ce qui s’apparente à un exploit au vu de la densité du roman à adapter.

Avec ce film, Fincher s’intéresse aux rapports de pouvoir et de domination qui mènent à la violence, omniprésente tout au long des deux heures trente truffées de scènes graphiques et marquantes (Larsson lui-même n’était pas aussi explicite dans son livre) mais jamais gratuites. Le réalisateur choisit de s’immerger au plus profond de la cruauté dont l’humain·e est capable dans un univers où, derrière les apparences, plus rien n’est sacré et tout est foulé au pied. Les environnements enneigés viennent appuyer ce sentiment chez l’audience captivé·e par l’esthétique froide de l’œuvre. La caméra de Fincher parvient savamment à garder une distance avec ses personnages principaux, généralement représentés noyés par leur environnement, tout en s’insinuant dans leur intimité la plus profonde. Les acteur·ices viennent sublimer cette fresque et si le flegme et le charisme de Daniel Craig font toujours des merveilles, c’est bien Rooney Mara qui ressort le plus du film, méconnaissable en gothique mais parvenant à rendre Lisbeth humaine malgré son apparente froideur. On note également la présence marquante de Stellan Skarsgård.

Petit oublié de la filmographie de son réalisateur, The Girl with the Dragon Tattoo présente néanmoins David Fincher au sommet de son art. Long sans jamais être tiré en longueur, le film déploie ses cartes avec une efficacité méthodique, courtoisie de l’excellent scénario venant épauler la réalisation glaciale de Fincher et dénoncer la violence autant physique que psychologique qui découle des abus de pouvoir. Une œuvre qui, certes, aux yeux de certain·es n’atteint pas le génie de son prédécesseur The Social Network mais qui reste un incontournable dans la filmographie de son réalisateur.
The Girl with the Dragon Tattoo de David Fincher. Avec Rooney Mara, Daniel Craig, Christopher Plummer. 2h38
Sorti le 18 janvier 2012