“Oh hi Mark !”, “I did not hit her !”, “You tearing me apart !”… Pour beaucoup ces répliques ne leur disent rien mais pour les vrais, pour ceux qui étaient au Grand Rex le 15 et le 16 février dernier c’est tout un symbole. Avec la sortie prochaine au cinéma de The Disaster Artist, il était plus que bienvenue que le Grand Rex nous propose deux soirées exceptionnelles en présence de Tommy Wiseau et Greg Sestero pour nous présenter The Room. Le nanar des nanars, le film le plus génialement nul et surtout une occasion toute particulière de vivre une séance de cinéma… ubuesque.
Des soirées comme celle-là ce n’est pas tous les jours qu’on peut en vivre. À 18h30 les portes s’ouvrent et le personnel nous donne tout un attirail : marque-page de Tommy Wiseau, une petite note explicative du San Francisco Times et… une petite cuillère en plastique. Mine circonspecte pour ceux qui découvrent le film ce soir, mine réjouie pour les autres qui n’attendent qu’une chose, pouvoir les jeter à l’écran. Ce sont près de 2000 personnes qui assisteront ce soir-là à une soirée mémorable. Quant à Tommy Wiseau le créateur de The Room et son meilleur ami – également acteur principal du film – Greg Sestero, si vous voulez les croiser c’est direction le second étage du Grand Rex et parce que le bonhomme est malin, il a su rentabiliser son film depuis 15 ans. Stand de t-shirts arborant fièrement les répliques cultes du film, le livre The Disaster Artist (écrit par Greg Sestero et adapté à l’écran par James Franco), le DVD du film, des affiches et même le script, tout est à vendre… et surtout à acheter si vous voulez avoir le plaisir d’avoir un autographe et une signature.
Le monde afflue en masse depuis 18h30 et le stand ne se désemplit pas avant que la séance commence, signe que la folie Tommy Wiseau est encore plus importante qu’il n’y paraît et qu’elle ne fait que grandir avec les années.
Il est 20h30 et c’est déjà la folie dans la salle pleine à craquer de gens venus en smoking ou en robe rouge (dresse code en honneur du film) et le compte à rebours commence. La salle se chauffe et c’est une entrée digne des plus grandes stars hollywoodiennes que s’offrent Tommy Wiseau et Greg Sestero avec une foule en délire, les applaudissant comme si le Messie venait d’arriver. Tommy Wiseau fait le show, invite toutes les filles portant une robe rouge à monter sur scène, répondant aux questions du public d’une nonchalance aussi attendrissante qu’hilarante, se met à jouer au football américain sur scène… c’est certain cette séance ne sera pas comme les autres. Avec un petit cadeau au passage : la bande-annonce du prochain film de Greg Sestero, toujours accompagné de Tommy, Best F(r)iends et vous savez quoi ? On a hâte qu’il sorte.
Il est un peu plus de 21h quand le film commence. Les lumières s’éteignent et le public trépigne d’impatience. Si certains personnes passaient par hasard dans cette salle se serait fait une certaine idée de ce qu’était une salie de fous. Enfin une asile de fous amoureux de The Room criant à tout va “San Francisco !” dès qu’un plan de la ville apparaissait (c’est-à-dire toutes les 10 minutes), tapant dans ses mains et allumant les portables lors des scènes d’amour aussi gênantes qu’interminables, comptant les passes entre les différents protagonistes qui pour s’occuper aiment jouer au football, criant les répliques cultes par coeur, hurlant de fermer ces portes qu’ils adorent ouvrir et visiblement ne jamais fermer et sans oublier le fameux jeté de cuillères accompagné du “Spoon !” qui va bien dès qu’un cadre avec une cuillère apparaissait. Et puis au bout d’un certain moment c’est du yolo total, chacun crie ce qu’il a envie de crier. On entend passer des jurons, des “Au bûcher sorcière !”, le générique de Mission Impossible est entonné en choeur… Le Grand Rex est devenu une cour de récréation.
Incensé pour certains, inutile pour d’autres, moqueur… Comprendre la folie autour de The Room et de son créateur relève du mystique. Pourtant Wiseau est au courant du second degré qui entour ce film et en joue lui-même. Et venir regarder The Room au Grand Rex n’a rien d’anondin, c’est une expérience à part, totalement folle et qui demande forcément un second degré mais à y regarder de plus près, le public est loin de se moquer du film, le public vit avec le film. Lisa trompe Johnny ? Le public hue. Une punchline bien sentie est balancée ? Le public applaudit. À croire que le public est le troisième acteur de ce nanar qui, malgré son scénario inexistant, ses plans sans aucune construction et ses dialogues aussi construits qu’un livre de lecture de CE2, dégage une véritable sincérité dans son intention et un dévouement à 200%. Alors nous aussi on peut se permettre de se donner à 200% pour ce film.
Merci à Carlotta Films pour l’invitation.