Si Jonathan Larson reste largement méconnu en Europe, son œuvre fait depuis de nombreuses années partie intégrante de la culture populaire aux États-Unis. En deux musicals seulement, il a su révolutionner le genre tout en y imposant sa patte personnelle et est devenu aujourd’hui un modèle pour de nombreux·ses créateur·ices à Broadway. Larson meurt malheureusement à 35 ans, la veille de la première de Rent, le musical qui a fait sa renommée mais l’impact de son œuvre n’a jamais faibli pour autant. Parmi ces influencé·es, on peut citer un certain Lin-Manuel Miranda qui, après avoir explosé dans Hamilton en 2015, est en train de s’immiscer doucement mais sûrement dans le milieu du cinéma. Sa dernière incursion en date est Tick, tick… Boom!, adapté d’un des deux musicals du même nom de Jonathan Larson.
Tick, tick… Boom! retrace les événements de la semaine précédant les 30 ans de Jonathan Larson. Entre son travail au Moondance Diner et ses rêves de musical à Broadway, on le suit durant ces sept jours d’errance de New-York à un tournant de sa vie.
Fiévreux à souhait, le film est dans l’urgence constante. Urgence du temps qui passe ; urgence de la passion qui dévore Jonathan et qui le pousse à vouloir tout faire pour voir ses rêves se réaliser : urgence de la mort qui semble rôder en plein milieu de ces années 90 et de cette crise du sida qui n’épargne personne. Jonathan se trouve à un moment clé de sa vie : 30 ans, l’âge où l’on se voit établi, peut-être même marié mais où il galère encore dans son appartement miteux à tenter de mettre son musical en place, avec plus ou moins de succès. Devant ce constat alarmant, Jonathan panique et la peur s’empare de lui : et s’il perdait le temps qui lui reste à vouloir monter ce projet qui ne semble pas avoir d’avenir ? Les doutes le tiraillent mais l’amour du rêve qu’il chérit depuis si longtemps est trop fort. On questionne ici l’audience sur la condition d’un artiste : un être éternellement dont la passion est si forte qu’il se retrouve constamment tiraillé entre espoir et désespoir, doute et certitude mais qui, à la différence d’autres, choisit constamment de poursuivre ses rêves.
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25 ans après sa première “vraie” réalisation, Clayton’s friend, qui n’a finalement pas lancé sa carrière derrière la caméra, le projetant premièrement vers ses envies théâtrales, Lin-Manuel Miranda s’en sort admirablement bien et parvient à manier la caméra de manière à ce qu’elle devienne un personnage à part entière du film. L’image vient magnifier le texte de Jonathan Larson et lui donner plus d’impact, on sent que les différents plans, transitions et mouvements de caméras sont travaillés. L’aspect pluriel du texte de base est assez bien respecté, on passe du drame, au musical et la comédie en passant même par la satire, le tout de manière extrêmement fluide.
Mais ce qui ressort le plus des deux heures de film est bien la performance d’Andrew Garfield, dont l’implication nous rappelle sa performance dans Tu ne tueras point. Avec une aisance absolument incroyable, l’Anglais parvient à s’effacer pour devenir Jonathan Larson, adoptant ses mimiques, ses gestes et sa manière de bouger, en plus de se débrouiller très bien au chant. Si tous les acteur·ices sont très bon·nes dans les rôles secondaires, on retient Alexandra Shipp et Robin de Jesus comme étant le cœur émotionnel du film.

À la manière d’un La La Land avant lui, Tick,tick…Boom! est une ode aux rêveur·ses, à la passion dévorante qui nous habite et nous pousse à tout risquer pour réaliser nos rêves. Avec à la fois une infinie douceur et une impatience fiévreuse, Lin-Manuel Miranda reprend à merveille le texte de Jonathan Larson et vient provoquer le/la spectateur·ice dans sa vision de la vie avec cette arrière-pensée constante du temps qui passe. Tick, tick… l’horloge tourne.
Tick, tick…Boom ! de Lin-Manuel Miranda. Avec Andrew Garfield, Alexandra Shipp, Robin de Jesus… 1h55
Sorti le 19 novembre 2021 sur Netflix
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