Tout semble présager un film héritier du cinéma d’Hitchcock. Un thriller à la limite du réel, des enjeux puissants élevés par l’interprétation de son actrice principale. Watcher est le premier film réalisé par Chloe Okuno, qui a le droit à son avant-première à l’édition 2022 de Sundance. Pour son premier récit, elle nous emmène en Roumanie où nous suivons la vie d’expatriés américains. Bucarest est inconnue des yeux de Julia, jouée par Maika Monroe, qui accompagne son mari Francis, en partie originaire du pays.
L’héritage est en partie respecté, car il convoque entre autres Fenêtre sur Cour et donne à imaginer une envie de la part de sa réalisatrice de développer l’idée déjà usitée du voyeurisme à l’écran. Julia est expatriée, et se retrouve en terrain inconnu. Elle découvre que quelqu’un l’observe constamment dans le bâtiment d’en face. Par la même occasion un homme semble la suivre quand elle sort. Bucarest se transforme en une angoisse claustrophobe. Un regard nouveau se pose sur les décors de Bucarest. Chloe Okuno ouvre son film avec le couple dans un taxi, le conducteur échange avec eux et parle Roumain, Francis semble faire la traduction et crée un premier sentiment d’isolement pour Julia. Comme le spectateur, elle est en perte de repères et ne sait pas si Francis lui cache quelque chose, ou omet de traduire des propos de l’homme.

Ce premier contact dans ce nouveau pays semble résumer par la suite l’évolution psychologique du personnage. Une idée intelligente gâchée après 15 minutes. Quand Julia découvre qu’une personne l’épie, l’évolution de l’intrigue semble beaucoup moins efficace et voit exister un faux rythme. On se doute de l’identité du voyeur, aucune scène ne fonctionne réellement. Cela est bien dommage quand on voit que Watcher soigne l’interprétation de ses acteurs et sa mise en scène. Cette mise en place crée un poids dans la balance et rend les ficelles du film bien trop évidentes.
Ce personnage qui harcèle de façon irréelle Julia, en la suivant à distance peut rappeler It Follows de David Robert Mitchell, où joue également Maika Monroe. La réalisatrice réussit à créer une atmosphère, mais ne va pas assez loin dans sa proposition et nous laisse avec un film qui tourne en automatique. Pas de surprise, tout doit se dérouler comme s’il fallait suivre studieusement un cahier des charges daté. Entre le personnage féminin sidekick et le mari qui délaisse sa femme, on imagine sans mal le destin des deux. Watcher plaît énormément dans sa mise en place et sa conclusion qui amène un dynamisme alors oublié. Une créativité dans la tension est appréciable et permet de ne pas finir sur une note amère.
Les acteurs bonifient une histoire qui flirte avec le réel, et le film réussit à être convenable malgré ses défauts. On aime sa résolution prévisible tout autant que le soin apporté à l’écriture de son personnage principal et de l’ambiance générale. Un long-métrage qui souffre du syndrome du premier long mais qui augure un futur radieux.
Watcher, de Chloe Okuno. Avec Maika Monroe, Karl Glusman, Madalina Anea… 1h35