Celui qui a sorti des films à un rythme effréné depuis trois ans fait enfin une pause pour ne revenir que deux ans plus tard. Pas de Festival de Cannes cette fois-ci mais la Mostra de Venise où il repart avec le prix Fripesci (qui récompense les films de genre). Et autant vous dire que dans la filmographie de notre québécois préféré, Tom à la ferme est un OVNI aussi inattendu que réussi.
Tom part au fin fond de la campagne dans sa voiture pour assister à des funérailles, celles de son petit-ami tragiquement décédé dans des circonstances qui ne nous sont pas données. Problème de taille, le frère et la mère du défunt n’ont pas idée de l’existence de Tom. Dans cette vieille ferme reculée et abîmée par le temps, l’étau se resserre alors que la mère s’accroche aux souvenirs de son fils à travers Tom et que le frère Francis instaure un jeu malsain et pervers pour le contraindre à rester là. Tom sombre dans une spirale dangereuse et toxique.

Pour la première fois, Xavier Dolan s’attèle à un nouveau genre. Celui qui s’illustrait avec brio dans le drame tinté de romance s’attaque au thriller. Alors qu’il est en plein deuil, Tom ne peut exprimer sa tristesse puisque la mère du défunt n’est pas au courant du couple qu’il formait avec son fils et que le frère de ce dernier le menace pour qu’il ne révèle pas ce petit secret. Sans se rendre compte, Francis a déjà posé son empreinte sur Tom, le gardant d’ores et déjà prisonnier de cet endroit. Rapidement, Tom est tiraillé entre l’envie de partir de cet endroit au plus vite et d’y rester pour assumer son deuil. On assiste impuissant·e aux actes de ce jeunes qui se complaît dans cette ferme, passant de celui qui s’en fout à un docile animal qui s’intéresse au travail de Francis et se soucie même de lui.

Malgré ce changement drastique d’univers, le réalisateur n’oublie pas les thèmes qui font l’essence de son cinéma. Toujours pas de figure paternelle à l’horizon, une relation mère-fils conflictuelle, une violence inhérente et dans ce flot de cris et de coups une certaine forme d’amour, encore et toujours. Un amour toxique et dangereux certes mais un amour quand même. Dolan trouve un équilibre entre moments de douceur et de paix et une tension lorsque le film s’embarque dans un côté beaucoup plus sombre. Là encore, la caméra excelle à retranscrire les émotions avec une gestion du cadrage assez remarquable, jouant sur la suffocation et cet écran qui étouffe nos personnages, la musique assourdissante et angoissante qui nous avertit que quelque chose de louche se prépare ou encore la photographie terne tou·te·s semblent invisibles.
Là où il brillait derrière la caméra pour Laurence Anyways, Xavier Dolan retombe dans ses travers en se mettant au premier plan, son egotrip prononcé plombant par moments la narration. Son jeu le sauve, mais ne retire pas l’amertume de cet excès de confiance.
Tom à la ferme est une incursion dans le thriller psychologique efficace, dans laquelle on retrouve les aléas et obsessions de l’auteur. Un film tendu, anxieux et étouffant et surtout un genre dans lequel on rêverait de le revoir.
Tom à la ferme de Xavier Dolan. Avec Xavier Dolan, Pierre-Yves Cardinal, Lise Roy… 1h42
Sortie le 16 avril 2014