Passer du court au long métrage n’est jamais un exercice facile. Il le devient encore plus lorsqu’il s’agit d’étendre son idée de court à un format plus long. Jim Cummings l’avait fait en 2018 avec Thunder Road , c’est au tour de Wes Hurley de faire une version longue de Potato Dreams of America. Un exercice réussi haut la main.
Lena et son fils de 9 ans qu’elle surnomme Potato vivent une vie misérable à Vladivostok. Alors que l’Union Soviétique vient de tomber, iels aspirent à un meilleur avenir synonyme de liberté d’autant plus que grâce à la télé, un nouveau spectre s’offre à eux : les États-Unis, un pays où tout serait possible. Dans l’optique d’une meilleure vie et d’enfin vivre le rêve Américain, Lena se marie par correspondance avec un américain, John. Quelques mois plus tard, iels débarquent à Seattle, une nouvelle vie s’offre à elleux mais iels vont devoir faire face à une autre réalité où tout n’est pas aussi beau et simple que dans les films.
Dès les premières minutes, on comprend rapidement qu’on aura affaire à un candidat sérieux. On nous plonge dans l’URSS des années 80 où la vie est rude, l’argent a du mal à rentrer, l’eau et l’électricité sont là une fois sur deux, la mère travaille comme docteure dans une prison et fait face aux pires horreurs qu’elle est obligée de couvrir de peur de se faire tuer. Pour couronner le tout, elle est une mère divorcée dont le nouveau compagnon fait beaucoup d’allers et venues. Une situation peu stable qui nous fait rapidement sourire à travers le regard du jeune Potato qui assiste impuissant à sa tristesse constante et qui trouve refuge dans un ami imaginaire qui n’est autre que Jésus. Et comme si ça ne suffisait pas, le jeune garçon prend conscience de son homosexualité (en se cachant bien d’en parler à qui que ce soit de peur des représailles).

Dans un ensemble de couleurs ternes contrebalancé par une mise en scène théâtrale et absurde, Wes Hurler déroule son histoire avec fluidité et une écriture qui fait mouche. Une histoire qui semble folle et qui ne peut aboutir qu’à un long-métrage tant il a matière à rire mais aussi à réfléchir. Derrière l’humour omniprésent, c’est le portrait universel d’une population sans aucun espoir qui trouve en l’Amérique et son cinéma un échappatoire et peut-être une issue. C’est d’ailleurs pour ça que Lena et Potato finissent par s’envoler pour entamer une nouvelle vie auprès de ce fameux John.
C’est là que le film prend une tournure drastique, un peu à l’image de ces immigrants qui débarquent dans un pays qu’ils ne connaissent pas. Nous débarquons tout autant dans un film qu’on ne reconnaît plus. Il faut s’y adapter, l’appréhender pour mieux l’apprécier au fur et à mesure que le réalisateur déploie sa seconde partie de récit encore plus intéressante et encore plus farfelue. Potato est adolescent et doit faire face à un nouveau monde hostile. Là où il ne trouvait pas sa place en Russie, il ne la trouve finalement pas non plus aux États-Unis, allant même jusqu’à renier son nom de famille. Et même si l’on rigole plus d’une fois à gorge déployée face aux péripéties de ces personnages, on ne peut qu’observer de vraies problématiques quant à l’identité de celleux qui arrivent dans un pays qui n’est pas le leur. Potato est tiraillé entre ses origines russes qu’il ne peut décemment cacher entre son accent et son nom, et son envie d’effacer toute trace de son identité pour se conformer aux autres. De son côté, sa mère comprend bien rapidement qu’elle est à la merci de son mari qui peut la renvoyer en Russie si jamais elle ne correspond pas à ses attentes. On a connu meilleure ambiance.
Et malgré ça, cette seconde partie rayonne parce que chacun des personnages réussit à trouver sa place et s’affirmer en tant que tel. Aux premiers abords, on n’aurait pas cru que Potato Dreams of America serait un coming of age LBGT et pourtant il réussit l’exercice haut la main pour nous amener vers de nouveaux terrains inattendus avant de se conclure sur une belle note d’espoir.
Potato Dreams of America de Wes Hurley. Avec Jonathan Bennett, Lea DeLaria, Lauren Tewes… 1h35
[…] Potato Dreams of America était l’un de nos films préférés de cette 47e édition du Festival de Deauville. À cette occasion, on a discuté avec son réalisateur Wes Hurley de la genèse de ce film pas comme les autres mais aussi de son amour pour le cinéma. […]
[…] est assez marrant de voir le parallèle presque évident qu’on peut faire avec Potato Dreams of America, présenté au dernier Festival de Deauville. Deux films sur une enfance compliquée faite de […]