Décidément, le cinéma français n’aura de cesse que de s’approprier le genre sur ces dernières années. Ogre s’inscrit dans la lignée de La Nuée, choisissant de situer son intrigue à la campagne, mais tentant un exercice qui pioche tant dans le thriller psychologique que dans la folk horror, à différents degrés.
Pour Chloé, l’arrivée dans cette bourgade campagnarde est salvatrice. Mutée en tant qu’institutrice dans la région, c’est l’occasion pour elle et son fils Jules de démarrer une nouvelle vie de zéro, loin de son ex-compagnon violent, et de redécouvrir des plaisirs simples. Encore secoué par cette relation tumultueuse, qui les a écorché·e·s tou·te·s deux, le duo familial prend ses marques, répare la maisonnée des oiseaux qu’iels trouvent dans le jardin, se forge de nouvelles bases, qu’iels espèrent solides. Mais rapidement, Jules est en proie à de nouvelles inquiétudes. Rejeté par les autres enfants, et loin d’avoir expié son traumatisme, il découvre qu’un autre bambin, Jérémy, a disparu il y a peu. Si tout porte à croire qu’un chien errant, ou un loup, soit responsable de la disparition et du probable décès du petit, Jules est formel : un ogre rode dans la forêt, et commence à roder autour de la maison. Conscient qu’il va servir de prochain plat de résistance à la créature, il tente, contre vents et marées, de convaincre sa mère de son existence et du fait qu’il faut quitter les lieux au plus vite.
Dans Ogre, tout est filmé à hauteur d’enfant, si bien que dans les scènes où Jules n’est pas là, peu nombreuses, on est en droit de se demander si ce à quoi on assiste est réel ou fantasmé par le petit. Sa paranoïa grandissante est justifiée par les événement qui l’entourent, et les éléments qu’il parvient à interpréter. Ce médecin qui lui demande de se remplumer un peu, qui rôde dangereusement autour de sa mère, qui prend un ton agressif envers lui dès lors que Chloé a le dos tourné, est-il complice de la situation, ou tout simplement l’ogre prenant forme humaine dès le lever du soleil ? Dans son imaginaire gorgé de sa lecture de mangas, de souvenirs des contes qui ont marqué son éveil et impliquaient ces étranges créatures, est-il dans une conscience réelle ou son interprétation des éléments mêlée à sa peur ne biaiserait-elle pas sa perception ?

Il n’y a au final que peu de surprises dans Ogre. Sans que ce ne soit un défaut, le récit est balisé, sur des rails que l’on identifie rapidement et qui ne surprennent que peu. On retrouve une intrigue faisant fortement penser à Mister Babadook, où le drame qui se joue ici est bien humain, joue de ses métaphores, alignant ses éléments pour mener tranquillement vers un climax évident, désignant le réel coupable de cette histoire, le trauma lui-même. La caméra à hauteur d’enfant fait prendre un parti pris au film qui peut surprendre, et des scènes jugées cheap qui sont pourtant d’une logique implacable, jouant toujours de ces perceptions biaisées, tant par l’imaginaire que par la peur, seront perçues différemment. S’il ne surprend pas, Ogre reste un bel exercice, très plaisant à savourer. Par son esthétique toujours soignée, qui nous plonge dans une ambiance qui l’est tout autant, où le doute plane, il nous tient en haleine, malgré le maigre nombre de rebondissements. Ce qui est une qualité indéniable est également la limite, tant Ogre reste un exercice bien fait, qui récite sa leçon en oubliant d’en proposer une variation.
Là où le cinéma de genre français prend constamment de nouvelles marques, il s’essaie à de nombreux sous-genres, pose des balises pour continuer son exploration et son appropriation. Nul doute qu’avec Ogre nous avons Arnaud Malherbe à suivre, qui on l’espère présentera un long-métrage plus conséquent par la suite. Tous les ingrédients sont déjà là.
Ogre, d’Arnaud Malherbe. Avec Ana Girardot, Giovanni Pucci, Samuel Jouy… 1h43