EAprès avoir fait sensation avec son premier long-métrage Thunder Road, Jim Cummings présente son nouveau film The Beta Test, co-réalisé avec PJ McCabe.
Jordan Hines est un agent hollywoodien à qui tout sourit : charmant, charmeur et sur le point de se marier avec Caroline. Un jour, il reçoit une mystérieuse enveloppe dans laquelle se trouve une invitation à un mystérieux rendez-vous sexuel dans un hôtel. Piqué par la curiosité, il décide de s’y rendre mais ce choix provoque une série de réactions en chaîne qui pourrait bien le faire tomber de sa tour d’ivoire.
Jim Cummings en a fait du chemin depuis son court-métrage Thunder Road. Et il était presque logique que celui qui défend corps et âme le cinéma indépendant et qui se dit athéiste d’Hollywood fasse un film dénonçant ses aliénations. On connaît le personnage, son ton qui oscille entre drame et comédie et pourtant, dès les premières minutes, il nous prend de court. Dans une scène quasiment chirurgicale, on assiste à la dispute d’un couple – la jeune femme ayant prévenu auparavant la police qu’un incident allait arriver, faisant ainsi monter la tension de suite d’un cran – lors d’un dîner où elle lui annonce qu’elle souhaite le quitter après s’être rendue à un rendez-vous sexuel anonyme. Avec un calme désarmant, son compagnon lui plante le couteau dans la gorge avant de la poignarder à plusieurs reprises et de jeter son corps par-dessus la balustrade. Silence dans la salle. Est-ce qu’on est bien devant un film de Jim Cummings ?

Plongée dans une agence de talents où travaille Jordan et son meilleur ami PJ. La tension est à son comble car ils essaient par tous les moyens de contacter Raymond Lee pour pouvoir devenir ses agents alors que derrière une bataille beaucoup plus importante se joue : la WGA (Writers Guild of America) bataille contre les agences de talent pour les franchiser afin de créer un nouveau modèle commercial avec une commission de 10%. Si on peut peut-être reprocher au film de ne pas trop s’attarder sur ce sujet – et donc possiblement de laisser de côté certaines personnes qui ne seraient pas familières avec ce milieu -, cette situation économique instable permet au ton du long-métrage de se trouver constamment sur un pont de verre. Jordan Hines semble étouffé de toute part entre la préparation de son mariage – qui ne semble guère l’intéresser plus que ça – et son boulot dans ce rouleau compresseur qu’est Hollywood. Il le sait, les apparences comptent : le costume est toujours impeccable, sa voiture est une Tesla (mais c’est une location), il rit fort même quand c’est pas drôle et insulte à tout bout de champ les gens avec un vocabulaire diversifié qui se résume à “Fuck“. La cocotte-minute est sur le point d’exploser, il ne lui manque plus grand chose pour faire des dégâts.
Pourquoi diantre accepterait-il un rendez-vous sexuel totalement inconnu alors qu’il est sur le point de se marier ? La curiosité ? L’attrait de la nouveauté ? Le fait de ne rien pouvoir contrôler pour une fois ? La réponse ne nous est jamais donnée mais représente le déclencheur d’une véritable descente aux enfers quand Jordan fait tout pour retrouver la jeune femme qui a partagé cette chambre d’hôtel le temps d’un après-midi. Elle devient son obsession, chaque femme pourrait être elle, chaque regard devient équivoque, chaque phrase prononcée pourrait signifier autre chose, Jordan est dans une spirale infernale. Notre empathie pour ce personnage diminue à mesure où ses névroses et son véritable caractère se dévoilent. Jim Cummings réussit parfaitement cette partition, montrant ainsi l’étendue de son talent et sa capacité à se renouveler et créer des personnages aux antipodes des uns des autres.

Finalement, Jordan Hines est à l’image d’Hollywood : faux et assez détestable, mais peut-on vraiment lui reprocher ce comportement ? Le film pousse à une certaine réflexion quant à cette identité qu’on est obligé·e de se créer pour réussir – Jordan explique par ailleurs à son meilleur ami qu’il est allé à ce rendez-vous notamment parce que son identité était cachée, lui permettant d’être lui -, la violence de ce milieu encore très imprégné par Harvey Weinstein mais aussi le cauchemar qu’est devenu internet et ses milliards de données qui transitent aux quatre coins du monde avec une facilité déconcertante. Nos moindres faits et gestes sont scrutés, nos tweets sont analysés tout comme tout ce qu’on peut poster ou liker sur les réseaux sociaux. Ce qui était un outil de communication est devenu un outil de publicité et de malveillance pour les plus perfides.
On retrouve certains gimmicks du réalisateur – qu’on peut adorer autant que détester – avec son obsession pour les personnages qui crient beaucoup, quasiment tout le temps et qui ont tendance à régler leurs problèmes sur des parkings. The Beta Test réussit aussi l’exercice d’équilibriste lorsqu’il s’agit de zigzaguer entre la comédie, le drame mais aussi le thriller à certains moments. Une nouvelle preuve que le réalisateur n’aime pas se cantonner à un genre (après avoir fait une incursion dans le film de loup-garou avec The wolf of Snow Hollow qui n’est malheureusement jamais sorti en France). Avec un budget finalement pas plus élevé que son précédent (200 000$ pour Thunder Road et 250 000$ pour celui-ci), il réussit à proposer un long-métrage plus abouti que ce soit visuellement où il ne se cantonne pas qu’à un ou deux endroits mais aussi dans le travail du montage beaucoup plus précis et aiguisé.
Jim Cummings a fait un pas de géant entre son premier long-métrage qui était déjà excellent et celui-ci qui apparaît indéniablement plus travaillé que ce soit dans le fond ou dans la forme -peut-être grâce au duo formé avec PJ McCabe -. Le bonhomme a toujours aimé rester hors des circuits traditionnels et finalement, c’est là qu’on l’aime le plus.
The Beta Test de Jim Cummings et PJ McCabe. Avec Jim Cummings, PJ McCabe, Virginia Newcomb… 1h33
Sortie le 15 décembre 2021
[…] vous parlait il y a quelques jours de The Beta Test présenté en avant-première au dernier Festival de Deauville. Hasard du calendrier, le Festival […]
[…] réservé de belles surprises. Alors que nous avions déjà eu le plaisir de découvrir Pleasure et The Beta Test au dernier Festival de Deauville, c’est Any Day Now qui s’inscrit définitivement comme […]
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