Kira va au collège et dirige une petite bande d’élèves avec une certaine influence et pas forcément des meilleures. Au bord de la rivière où ils s’amusent avec une arbalète fabriquée à la main, Itsuki prend la mauvaise décision de se rebeller contre Kira. Ce dernier décide alors de le tuer avant de s’enfuir avec les autres. Par manque de preuves, Kira est innocenté mais cette affaire fait rapidement le tour du Japon et sa famille devient la cible des médias et du public. Une spirale infernale qui l’entraîne, ainsi que ses parents dans un véritable enfer alors que ces derniers sont prêts à tout pour protéger leur fils.
Parmi les fléaux qui touchent notre société, le harcèlement est l’un des plus importants. On ne le répètera jamais assez mais ces actes ont des répercussions tôt ou tard et c’est pour cela que la prévoyance est nécessaire, encore et toujours. Mais que se passe-t-il lorsque le harceleur devient le harcelé ? C’est là toute la question que se pose Eisuke Naito. Le réalisateur ne laisse aucune doute quant à la culpabilité de Kira dans une scène qui laisse entrevoir un jeune homme ne dégageant aucune once d’humanité alors que son camarade est en train de mourir sous ses yeux.

Kira est cependant rapidement soupçonné après qu’un des élèves présent lors du drame décide de tout avouer et sa personnalité de “harceleur” est rapidement mise en avant. C’est un déferlement médiatique qui tombe sur Kira et sa famille et qui s’intensifie lorsqu’il est acquitté. Alors que tout aurait pu s’arrêter là, les médias prennent évidemment le relai ainsi que l’opinion publique qui juge Kira coupable malgré tout. Nul ne peut pas se substituer à la justice mais le tribunal public peut être bien plus cruel si bien que Kira et sa famille sont obligés de partir à l’hôtel le temps que l’affaire s’étouffe. Une affaire qui ne fait que s’amplifier lorsque les parents du défunt Itsuki prennent régulièrement la parole pour crier leur désarroi.
Tribunal public, amour maternel
Avec la liberté d’expression et la force des réseaux sociaux, les avis (plus ou moins virulents) peuvent provoquer une vague de haine sans précédent où toute idée de réflexion est banni au profit de colère gratuite. Rapidement, la maison de Kira est la cible de vandalisme et le seul moyen pour sa mère de récupérer quelques affaires est de se faufiler en pleine nuit pour ne pas attirer les regards. Ce tribunal public, la mère de Kira va également en être une victime collatérale. Prête à tout pour protéger son fils, elle défie la justice en déménageant régulièrement pour ne pas être retrouvés et passe ses soirées sur internet à scruter chaque intervention de la famille de la victime. Une situation pesante pour tout le monde et notamment le père de famille obligé de changer de travail à chaque déménagement. Persuadée de l’innocence de son fils, elle en vient même à menacer des élèves un peu trop curieux. Mais alors, qui devient le fautif dans cette histoire ?
Le harceleur harcelé
Nous voilà exposés à une situation particulière. Dans un premier temps on se retrouve face à un harceleur – également tueur – qui, après son crime, continue de persécuter d’autres élèves de sa classe dont celui qui l’a dénoncé. Un sentiment d’injustice qui se renforce d’autant plus lorsque le jugement tombe et qu’on assiste impuissant à la colère et la tristesse des parents. À travers une mise-en-scène dynamique où notre écran est submergé de messages haineux, on se sent rapidement étouffé et tiraillé entre deux sensations. Celle où l’on se dit – et c’est presque une réaction humaine face à cet acte odieux – que Kira n’a que ce qu’il mérite et de l’autre se demander si tout ceci n’est pas disproportionné. Ces dits inconnus réclament justice et deviennent harceleurs à leur tour. Le paradoxe de devenir ce qu’on dénonce. Dans quel camp se placer alors ?

Le réalisateur a l’intelligence de ne jamais se placer d’un côté ou de l’autre de la balance, préférant ainsi nous laisser seul juge de cette histoire. Un avis qui se trouble au fur et à mesure lorsque Kira se retrouve dans un nouveau collège et qu’il se lie d’amitié avec une jeune fille également harcelée par d’autres camarades. Quand ces derniers découvrent la véritable identité de Kira, une nouvelle chasse aux sorcières débute et on se retrouve coincé dans un cercle vicieux où le serpent se mord la queue et où aucune solution ne semble envisageable.
Forgiven Children fait le procès de cette société qui juge à la hâte sans jamais prendre en compte la complexité de l’affaire, les points de vue qui s’opposent et ce paradoxe quasiment malsain d’envoyer au bûcher n’importe qui. Dans le rôle de Kira, le mystérieux Yû Uemura qui compose avec un rôle complexe qui nous pousse d’un côté à l’empathie et d’un autre au dégoût.
Il est rare de voir une œuvre explorer aussi intensément et si intelligemment la complexité du harcèlement et ses répercussions à travers un cas, certes singulier, mais qui illustre de bien plus gros problèmes dans notre société.
Forgiven Children de Eisuke Narito. Avec Yû Uemura, Emi Soma, Tetsuo Mihara… 2h06
Disponible en location sur FilmoTV
[…] au contexte japonais. Le film est la seconde avant-première, après le très apprécié Forgiven Children, du Kinotayo Matsuri sur […]