Durant les années 70, Dominic découvre de mystérieuses lettres après la mort de sa grand-mère. Lui qui croyait depuis toujours que sa mère était décédée en couches, il découvre qu’elle est belle et bien vivante. Il se met en quête de la retrouver au fin fond d’un petit village, les habitant·e·s y étant persuadé·e·s qu’elle est une sorcière. Il y fait également la rencontre d’Irène, une mystérieuse jeune femme qui entretient une relation ambigüe avec sa mère mais les découvertes ne s’arrêtent pas là. À quelques kilomètres se dresse un couvent dirigé par Frère Andrew et dans lequel vit Daniel qui n’est autre que son frère jumeau.
Il est intéressant de revenir un instant sur la carrière du réalisateur Bruce LaBruce. À 57 ans, il est une figure importante du cinéma canadien et notamment dans la sphère LGBTQ+ où il exerce ses talents de réalisateur mais aussi de photographe, toujours à la lisière du politiquement correct. Revêtant ses films d’un aspect pornographique totalement assumé, Bruce La Bruce aime bousculer et faire réfléchir son auditoire, encore plus avec Saint-Narcisse qui met en exergue une des théories de Freud comme quoi il y a inévitablement des tensions sexuelles entre les membres d’une même famille.

Le mythe de Narcisse prend forme sous les traits du jeune et beau Dominic. Dans les années 70, point de technologies avancées, il se contente de se prendre en photo avec son polaroid jusqu’à en donner des exemplaires aux passants dans la rue. Son besoin de satisfaire son ego est tel qu’il devient obsédé lorsqu’il découvre l’existence de son frère jumeau, allant jusqu’à se raser la tête pour lui ressembler comme deux gouttes d’eau. Dès lors le fantasme de soi prend le dessus jusqu’à l’apothéose, celle où Dominic couche avec “lui-même” pour se sentir enfin pleinement lui. En parallèle, son frère Daniel vit reclus dans son monastère sous la direction du frère Andrew qui abuse de lui depuis des années – dans des scènes bien peu subtiles – tandis que sa mère a des relations avec la fille de son amante décédée qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau.
L’ambiance des années 70 flotte constamment dans le film avec cet aspect très vieillot et sa mise en scène parfois aussi impressionnante qu’un téléfilm du dimanche soir. Pourtant tout ce petit côté kitsch colle parfaitement au film et entre en décalage total avec ce qu’il propose visuellement. Bruce LaBruce n’hésite pas à choquer, à montrer les corps, jusqu’aux masturbations dans le couvent, rien ne nous est épargné. Ce qui fait de Saint-Narcisse un film à double tranchant : soit on adhère à la proposition osée et on se laisse porter, soit on se retrouve totalement rebuté par ce trop plein d’exubérance et de sexe à tout va. Mais dans tous les cas, le film ne laisse pas du tout indifférent et c’était probablement ce que voulait son réalisateur en premier lieu.
Saint-Narcisse de Bruce LaBruce. Avec Félix Antoine-Duval, Tania Kontoyanni, Andreas Apergis… 1h41