Si le cinéma est un art fait pour représenter tous les peuples et toutes les histoires, les autochtones on souvent du mal à s’imposer sur grand écran. Nous présentant une peuplade au nord des frontières canadiennes, on espère que Kuessipan trouvera son chemin dans nos salles françaises pour nous permettre d’avoir une nouvelle image de ces communautés.
Mikuan et Shaniss sont deux amies inséparables. Depuis leur tendre enfance, elles se sont promis de rester ensemble dans leur communauté innue. Mais à l’aube de leurs 17 ans, leurs aspirations changent. Tandis que Shaniss a fondé une famille, Mikuan rêve d’évasion et de partir faire des études à Montréal avec son compagnon Francis. Deux visions de la vie qui s’opposent dans un pays où la communauté innue essaie tant bien que mal de survivre.
C’était il y a à peine quelques mois. Une vidéo devenue virale sur Facebook où l’on pouvait apercevoir une jeune femme autochtone se faisant insulter par une infirmière alors qu’elle se trouve sur un lit d’hôpital, sur-médicamentée et à quelques heures de la mort. Cette femme avait 37 ans et était mère de famille. Une affaire qui a bouleversé le pays et a réveillé un racisme omniprésent envers la communauté innue. Un racisme qui entraîne un rejet et une peur envers les blancs et qui est au cœur du film, avant d’élargir le propos sur le sentiment d’appartenance et de liberté.

À l’origine, Kuessipan est un livre écrit par Naomi Fontaine (qui a d’ailleurs participé à l’écriture du scénario pour coller au plus près de la réalité) pour montrer aux Québécois ce qu’être innu·e signifie, y décrire leur mode de vie, leurs peurs mais aussi leurs aspirations et délivrer un message de tolérance. C’est pour cela que les histoires de Mikuan et Shaniss s’inscrivent dans un contexte autant “racial” qu’humain. Il est intéressant de voir qu’en innu, il n’existe pas de traduction pour le mot “liberté”, comme si leur condition les pousse instinctivement à en rejeter la notion. C’est ainsi que Mikuan développe son envie de s’émanciper et découvrir autre chose que cette réserve qu’elle a connue toute sa vie. Cette envie de liberté est évidemment mal vue par sa famille et sa meilleure amie, d’autant plus lorsqu’elle s’entiche de Francis, un blanc. Trahison suprême pour cette communauté qui voit en lui le passé colonial qu’iels ont subi·e·s.
Finalement, ce sont deux visions différentes certes mais qui se valent autant l’une que l’autre. C’est avant tout la peur qui alimente la colère de Shaniss, la peur de voir partir un de ses piliers, un membre de sa famille et surtout sa meilleure amie. La liberté c’est autant décider de partir que laisser l’autre partir.

En engageant seulement des acteurs amateurs provenant de la communauté innue, c’est offrir une très belle page blanche pour écrire leur histoire. Faire bouger les lignes et pointer du doigt l’absurdité humaine. Les Blancs et les Innus sont littéralement voisins. Il suffi de traverser une rue pour se trouver d’un côté ou de l’autre et pourtant on aperçoit une frontière clivante. Tandis que les Blancs vivent dans une ville, les Innus vivent dans une réserve. Les uns ne se mélangent pas aux autres probablement plus par crainte que par racisme comme la réalisatrice et la co-scénariste tiennent à le souligner dans le dossier de presse. C’est le poids d’une histoire qui pèse lourdement et qui impacte encore la jeunesse d’aujourd’hui et cette communauté qui ne sait pas où se placer entre protection de leur richesse culturelle et repli identitaire.
Kuessipan de Myriam Verreault. Avec Sharon Fontaine-Ishpatao, Yamie Grégoire, Étienne Galloy… 1h57
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