Le sexe, ce mot si court mais qui veut dire beaucoup. Il suit l’évolution humaine de ses débuts jusqu’à son dernier souffle, prend une forme différente selon les individus, se meut au cours des périodes de la vie. De l’emprise des hormones pré-pubères, à l’apprentissage de l’orgasme et la fièvre copulante post-vingtaine, pour arriver vers une maturation trentenaire, avant de trouver l’équilibre et la stabilité. Il est l’objet de fantasme, de désir puis son absence, de tabou, d’impuissance, de jouissance, d’érotisme, de tromperie, de vérité… En brassant large, le sexe est aussi bien vecteur à bonheur suprême qu’à conflits tumultueux. Il fallait le talent d’un cinéaste de seulement 26 ans, pour rendre au sexe toute sa substance thérapeutique. Steven Soderbergh, qui débarque sur les marches de Cannes en 1989 en obtenant la Palme d’Or avec son premier métrage Sexe, Mensonges et Vidéo. La révélation d’un artiste, qui ausculte l’intime avec un brio voyeuriste, si sensible et délicat.
John est un avocat réputé de Baton Rouge. Il vit avec sa femme Ann dans une belle maison où tout semble aller pour le mieux. Pourtant, Ann se plaint de son intimité. Elle n’a jamais connu l’orgasme, le sexe a disparu de sa vie et elle suit une thérapie pour essayer de trouver une solution à son problème. Un jour, Graham, vieil ami de John revient en ville 9 ans après la fin de ses études. Il collectionne des cassettes vidéo de femmes qu’il filme en train de raconter leurs expériences sexuelles. Non loin de là lorgne Cynthia, sœur d’Ann, barmaid amicale et ouverte d’esprit. Bientôt, toute cette trop paisible tranquillité est mise à rude épreuve.

Il y a parfois des Ovni qui déboulent sans prévenir, et qui accolent leur nom au terme « grand cinéma ». On peut se demander ce qu’un jeune homme de 26 ans peut raconter avec un titre aussi sulfureux et tape-à-l’œil que Sexe, Mensonges et Vidéos. Que connaît-il du sexe, des problématiques de couples, des aléas de l’existence… Cette caméra révèle ce qu’elle a enregistré de plus beau en 1h36 de métrage. Elle est posée au milieu d’un quatuor, en ayant l’impression d’être immiscé comme un documentaire au cœur de la vie trop taiseuse de la fameuse résidence de l’américain parfait. Puis elle vient tout bouleverser, chambouler le quotidien monotone et le transformer.
On peut rapprocher le film d’American Beauty de Sam Mendes. Il serait intéressant plutôt que de les dissocier, d’y voir deux œuvres qui se répondent, se complètent et avec lesquelles sur le même terrain, se superposent deux visions de cinéastes différents, deux regards portés sur le couple dans sa modernité. Ici, la caméra semble être le prolongement de l’esprit de son auteur, de son auscultation la plus précise de tout ce que les personnages ont au fond d’eux. Elle vient les mettre à nu, leur faire révéler des choses parfois inavouables. Leur instaurer un cadre de confiance dans lequel ils pourront tout dire, tout faire, et tout déconstruire.

Sexe, Mensonges et Vidéo ne montre que très peu d’actes sexuels. L’important est ailleurs. On peut ressentir le désir dans une parole libérée, au travers de la communication d’êtres qui racontent leurs fantasmes, se confient sur la nature des sentiments et sur l’envie de changer le quotidien. Pour du grand cinéma, pas besoin de grands artifices. Un scénario écrit en huit jours par Soderbergh sur un bloc note après une rupture amoureuse. Il suffit d’avoir confiance en ses acteurs, de savoir les filmer et d’y injecter une dose de sensibilité qui nous touche en plein cœur. Sexe, Mensonges et Vidéo est un film de dialogues qui se jouent souvent à deux, comme le sexe. Des regards, des mots prononcés et expressions de James Spader et Andie MacDowell. Tout est simple, juste, millimétré, terriblement beau et envouté par la composition de Cliff Martinez.
Pour Soderbergh la caméra n’est pas qu’un pur objet voyeuriste. On pourrait se poser la question en tant que spectateur, de l’intérêt de s’intéresser dans les moindres détails au quotidien familial comme dans une télé réalité, avec un œil un peu trop curieux qui souhaite connaître les potins d’amourettes et autres disputes. Mais la « vraie » réalité est là, par la vidéo qu’elle enregistre et qui ne fait que révéler les tabous. La tromperie d’un mari, la détresse d’une femme qui n’a jamais ressenti de satisfaction sexuelle et qui attend simplement de découvrir la fougue et l’excitation, d’un homme comme menteur pathologique qui a détruit une union. Elle fait mal parfois, elle met le désordre, elle fait monter le chagrin, couler les larmes. Mais elle est utile pour défaire les relations superficielles, abattre toute la construction qui s’érige sur du faux, pour rebâtir le présent et faire confiance en ses émotions. Pour que la flamme puisse se remettre à briller et ne cesse d’être brûlante de passion. La vidéo met en lumière des thématiques avec lesquelles chacun peut trouver des réponses, apprendre, comprendre, et sentir une empathie profonde. Le pauvre Graham, lui aussi perturbé par des troubles personnels, a avec un simple caméscope dévoilé que l’apparente tranquillité n’est parfois qu’une carapace, celle d’une réalité beaucoup plus toxique et triste.
Passionnant de bout en bout, Sexe, Mensonges et Vidéo fait entrer par la grande porte Steven Soderbergh dans le cinéma. Une thérapie belle, juste, et superbement mise en scène, dont il serait dommage de refuser d’y plonger.
Sexe, Mensonges et Vidéo de Steven Soderbergh. Avec, James Spader, Andie MacDowell, Peter Gallagher… 1h36.
Sorti le 04 octobre 1989.
Cela me donne envie de le revoir… Merci
Ohh bah de rien ! Et merci à vous surtout de nous lire. Ça fait très plaisir de savoir qu’on a envie de découvrir ou redécouvrir une œuvre
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