Peu d’acteurs ont connu une ascension aussi fulgurante que celle de Riz Ahmed. Après avoir commencé la décennie dernière en jouant dans des films indépendants passés quasiment inaperçus et s’être démêlé dans des rôles aussi clichés que passables, l’acteur anglais est à présent reconnu dans l’industrie du cinéma comme en étant l’une des étoiles montantes. Si ses rôles dans Rogue One en 2016 et Venom en 2018 ont considérablement amélioré sa popularité auprès du grand public, c’est dans la mini-série HBO The Night Of qu’il démontre pour la première fois l’étendue de ses talents de comédien. Unanimement saluée par la critique, la série s’implante dans le New-York moderne pour parler des problématiques qui se posent dans l’Amérique post-11 septembre ainsi que des conditions carcérales dans un système judiciaire toujours plus corrompu.
Naz Khan est un jeune homme d’une vingtaine d’années d’origine pakistanaise. Il mène une existence plutôt normale, entre ses études et sa vie familiale, jusqu’au jour où il est accusé du meurtre d’une jeune femme pour lequel il se dit innocent.
La première chose qui marque dans l’écriture de la série, c’est à quel point on essaie de rendre les personnages humain·es et réalistes : personne n’est vraiment bon, personne n’est vraiment mauvais, tou·tes ont des motivations compréhensibles, ce qui les rend terriblement attachant·es aux yeux du public. Naz représente parfaitement le dilemme auquel chaque enfant issu de l’immigration est confronté·e : la délicate balance entre la culture pakistanaise dans laquelle il baigne chez lui et l’American Dream qui lui semble hors de portée. À cette situation déjà compliquée vient s’ajouter le poids du racisme et de l’hostilité ambiante dans un New-York qui se relève encore des attaques du 11 septembre. Il est paradoxal de voir la série donner tant de consistance individuelle à ses personnages étant donné qu’ils se trouvent dans un système qui s’évertue tant de les déshumaniser pour les réduire à leur origine et milieu social. Naz, comme toutes les personnes de son origine, devient aux yeux de tou·tes le bouc émissaire, le coupable parfaitement désigné sur qui reporter colère, incompréhension et frustration. Ce racisme gangrène chaque échelon de la société, jusqu’au système judiciaire qui n’a de justice que le nom. Au fil des épisodes, on lève le voile sur chaque problème des hautes sphères juridiques des États-Unis pour révéler un réseau totalement pourri et corrompu de l’intérieur.

La série possède la grande qualité de savoir manier les genres avec beaucoup de dextérité ; ainsi, on passe du drame à l’enquête policière et à la chronique judiciaire. Tout ce mélange sert principalement à créer une ambiance dans laquelle il devient plus facile pour l’audience de s’immerger. En plus de s’attaquer au monde de la justice, la série dénonce le repli communautaire qui envahit la ville de New-York et qui s’est accentué suite aux attaques du 11 septembre. Le fossé entre classes sociales se creuse de plus et Naz ne devient finalement qu’une victime parmi tant d’autres de ce clivage.
Dans son ensemble, chaque élément de la série est extrêmement bien travaillé, la qualité HBO n’a pas loupé le rendez-vous. Ce qui ressort le plus cependant reste le casting, notamment John Turturro, avocat raté qui pense avoir trouvé l’affaire du siècle. Riz Ahmed se révèle cependant être le pilier des 8 épisodes, offrant une performance nuancée, tout en finesse et en émotion.

The Night Of est une série au propos actuel à plusieurs niveaux qui nous questionne sur le traitement des personnes d’origine étrangère dans nos sociétés plus multiculturelles qu’elles ne l’ont jamais été. Sans prendre de pincettes, on dénonce ici les injustices créées par les préjugés basés sur l’origine ainsi que le milieu social en 8 épisodes seulement pour un résultat brillant.
The Night Of de Richard Price et Steven Zallian. Avec Riz Ahmed, John Turturro, Bill Camp. 8 épisodes de 57-96 minutes.
Mini-série disponible sur UniversCiné.